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Publié par DASES-SUPAP-FSU

Prévention de la radicalisation VS Travailleurs So-Chieurs

Les travailleurs sociaux sont des chieurs. Tous ceux qui les emploient vous le diront : des chieurs (enfin, pour la plupart, et pourvu que ça dure !).

Tu leur demande de faire un truc (et merde ! t’as le droit, t’es chef !) : ils demandent pourquoi.

Tu leur dit que désormais il faudra faire « comme ci » dans les situations « comme ça » : ils te répondent que non ! (à défaut de pouvoir te répondre que « ça dépends » parce que « ca dépasse »).

Bref, ils discutent, ils palabrent, réfléchissent, contre argumentent en mode thèse-anti-thèse-synthèse au lieu de dire comme en cuisine « Oui, chef ! » : des chieurs !

C’est génétique. Avant la relativement récente crise des « vocations », ceux qui entraient en école de travail social avaient tous des trucs à réparer (l'enfance de la misèreuh) ou un monde à sauver (celui des bisounours).

  • ¼ d’entre eux étaient un peu bigots.
  • ¼ d’entre eux militants pour qu’on finisse tous par s’aimer les uns les autres, bordel de merde.
  • ¼ d’entre elles chiennes de garde.
  • Et ¼ « je-veux-être-secrétaire-mais-un-tout-petit-mieux-payé ».

100% sado masos (oh oui ! paie moi mal pour que je me tape toute la misère du monde !)

Et que fait ce petit monde pendant 2 ans de formation qui en durent 3 (dès le départ dans le travail social, c’est mystique, ça dépasse les considérations de chiffres et de temps, du coup faut pas s’étonner qu’après on ait du mal avec les chiffres et les stats !) ? Il pense, repense et décompense, se gargarise d’éthique et de déontologie, s’habitue à chercher du sens et à dire non (aux cadeaux des usagers – surtout quand c’est des dattes -, aux demandes de logement social ET aux directives contraires à la sacro-sainte Ethique).

Ils étaient déjà tordus en rentrant à l’école : ils en sortent Travailleurs So-chieurs diplômés d’Etat. (Mais ne t’inquiètes pas cher directeur de l’action sociale : le gouvernement t’as entendu et va modifier les formations pour changer tout ça !).

 

Un des trucs les plus chiants avec les Travailleurs So-chieurs c’est qu’ils sont pas foutus d’appliquer vite et bien (sans réfléchir) les directives. C’est encore plus chiant en situation de « stress institutionnel ».

Le stress institutionnel, c’est quand les institutions sont prises d’une envie pressante de faire quelque chose, qu’elles mettent la pression à tous les étages pour agir vite (sans réfléchir), et que, du coup, les fonctionnaires en bas de l’échelle sont sommés de travailler avec la diarrhée (directive) ainsi produite.

Le stress institutionnel, justement, il en est question dans le dernier avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) relatif à la prévention de la radicalisation. Un avis qu’il est bien pour le lire. Un avis qu’il a raison parce qu’il pense tout pareil comme moi et mes supers copines Travailleuses So-chieuses du SUPAP FSU. Un avis solide, parce qu’il n’a pas été produit, lui, en situation de stress institutionnel. Et surtout, un avis qui fait du bien au travail social.

Cet avis, que je vous invite à lire dresse une liste de 17 recommandations, parmi lesquelles :

Recommandation 4 : Afin d’éviter tout amalgame entre le terrorisme et certaines expressions d’appartenance à l’Islam, la CNCDH appelle les pouvoirs publics à éviter toute confusion entre les deux dans leurs déclarations publiques.

Arrêter de tenir des propos stupides pour rameuter l’électorat teu-bê. L’enfant qui ne mange pas de porc à la cantine n’est pas un danger pour l’éducation nationale, celui qui fait le ramadan n’est pas un voleur de pains aux chocolats à 0,50€, celle qui porte le voile n’est pas anti-féministe et le barbu n’est pas chargé d’explosifs.

 

Recommandation 5 : La CNCDH appelle les pouvoirs publics à ne pas porter atteinte au cœur de métier des travailleurs sociaux : plutôt que de faire peser sur eux une nouvelle mission de surveillance, la CNCDH recommande de garantir leur autonomie et de les renforcer dans leurs fonctions d’origine d’assistance et d’accompagnement.

AWARD de la meilleure recommandation de l’année. La CNCDH rappelle que l’action des travailleurs sociaux s’appuie sur des relations d’aide et de confiance avec leurs publics qui sont plus que mises à mal par ces nouvelles missions de contrôles. Du coup, les politiques de « prévention de la radicalisation » sont jugées contre-productives car elles installent une méfiance entre usagers et institutions/travailleurs sociaux et éloignent ainsi la population des services susceptibles de les soutenir ! La CNCDH rappelle que les travailleurs sociaux n’ont pas à devenir des auxiliaires de police, qu’il faut respecter, réaffirmer et renforcer (par des moyens) leurs fonctions d’origine : l’accompagnement ! La CNCDH va donc plus loin que le rapport de Michel Thierry qui n’insistait pas assez sur cette question centrale des moyens : en matière de prévention de la radicalisation les travailleurs sociaux ont un rôle à jouer celui de la prévention, du maintien du lien social et cela implique de redonner au travail social les moyens (humains) de le faire ! Bien sur, c’est moins cher de ne pas modifier les effectifs et d’ajouter aux travailleurs sociaux une mission d’annexe des services de renseignement généraux : mais c’est juste totalement con !

 

Recommandation 9 : La CNCDH recommande de favoriser la prise en charge des mineurs dits radicalisés dans le cadre du droit commun, par des professionnels de l’enfance œuvrant dans un cadre pluridisciplinaire, et indépendant des services de police et de renseignement.

Indépendants ! C’est ce qui doit permettre aux travailleurs sociaux de se recentrer sur leur cœur de métier. Etre indépendant ici, c’est être aidant en se recentrant sur les besoins de l’enfant (ce qui conditionnera la réussite des projets éducatifs) et non sur ceux des services de renseignement !

 

Recommandation 16 : La CNCDH appelle les pouvoirs publics à définir des directives claires sur le partage et la communication, au sein de la sphère judiciaire, des informations recueillies dans le cadre de la prévention de la radicalisation, ainsi qu’à garantir le respect du contradictoire.

Le respect du contradictoire, dans la sphère du travail social, nous rappelle le devoir, l’obligation d’information des familles. Quand une information préoccupante (signalement) a pour origine des services de police et pour but réel non d’évaluer la protection de l’enfance mais l’éventuelle radicalisation d’un individu de la famille, doit-on le dissimuler à la famille (comme cela a déjà été demandé à des travailleurs sociaux parisiens dans le cadre de signalements CPRAF) ? Est-on en droit de le faire sans que cela ne constitue une atteinte aux droits fondamentaux des personnes ?

 

Je vous laisse découvrir les autres préconisations (toutes aussi intéressantes) dans l'avis que je vous recommande chaudement ! Une trentaine de pages (à retrouver ci dessous) qui font du bien, qui font penser et prouvent qu'il y a encore, quelque part, des gens qui réfléchissent (et pas que chez les So-chieurs) ! Reste à pousser pour qu'ils soient écoutés !

 

La lecture de l’avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme nous rappelle, en tant que travailleurs sociaux, mais également en tant que citoyens, que depuis maintenant plusieurs années, les atteintes aux droits fondamentaux se sont multipliées sur notre territoire au nom de la prévention de la radicalisation et de la lutte contre la "menace terroriste". Discriminations, atteintes aux droits fondamentaux, gaspillage d’argent public (centre de « contre radicalisation » de Pontourny), perte de sens (mais qu’est ce qu’on fait ? on fait vite ! mais quoi ? vite !). Et si tout ça était contre productif ? Si cela, en plus de ne pas arranger la situation dans l'immédiat, nous conduisait à l'empirer dans les années à venir en créant de nouvelles sources de discriminations, de ruptures, et de colère dans la population ?

 

 

Cet avis est un rappel pour les travailleurs sociaux. Quels que soient les dispositifs, directives qui leur sont données et au delà du devoir d'obéissance à la hiérarchie, il est nécessaire que les travailleurs sociaux continuent à se positionner pour le respect des droits fondamentaux des personnes et de se battre pour que le travail social conserve son sens. S'il n'est pas toujours possible de s'opposer, refuser une injonction, il est essentiel de pointer, nommer, dénoncer les non-sens et de ne pas rester seul face à des commandes dont on ne mesure pas toujours la portée, les tenants et aboutissants (agents parisiens, n'hésitez pas à contacter la section DASES et CASVP du SUPAP FSU par mail pour échanger avec des collègues travailleurs sociaux connaissant ces sujets).

 

Et, les collègues, restez so-chieurs : c'est comme ça qu'on vous aime et que vous êtes les meilleurs !

 

 

 

Séverine

Avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme sur la prevention de la radicalisation

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