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Publié par DSOL-SUPAP-FSU

Le travail social libéral sur les réseaux, c'est LE thème putaclic.

Ça passionne, tout un tas de travailleurs sociaux désabusés par le monde du travail (la perte de sens, l'institution déconnante, l'impossibilité de faire le travail pour lequel on est recruté, les salaires de merde...) qui rêvent de se mettre à leur compte. Ils imaginent dire adieu à leur employeur et commencer à kiffer, en recevant un salaire sans se prendre la tête avec des chefs cons, des collègues désagréables voire pour certains, Graal: le tout sans contact en 100% télétravail.

Putaclic : Gagnez 3.000€ par mois sans sortir de chez vous et sans trop travailler.

Putaclic, parce qu'il y a bien sûr moins de clients pour le travail social libéral que de volontaires. Les travailleurs sociaux qui veulent devenir libéraux sont donc aujourd'hui les premiers clients du secteur du travail social libéral ! Oui, dans le secteur, ceux qui se font le plus de thune sont ceux qui se font rémunérer par les travailleurs sociaux ! Donc, conseil, si toi aussi tu es usé du "bordel social" et que tu cherches à recycler ton D.E et ton expérience : propose des conseils, du référencement à des prétendants Travailleurs Sociaux libéraux, tu te feras plus qu'en devenant travailleur social libéral toi même !  (Et bise à toi qui es toujours salarié et qui a dépensé tes thunes en formation-conseil pour devenir libéral ou être référencé sur un site qui t'as apporté 0 "clients" !)

 

Du Travail Social libéral...

Le Travail social libéral n'est pas une nouveauté. Il s'adresse d'assez longue date à des entreprises ou organismes pour proposer un soutien aux personnels d'une entreprise qui ne peut ou veut recruter un TS, pour renforcer temporairement une équipe de TS ou encore pour intervenir sur une mission temporaire.

Ce travail connait les mêmes écueils que toute activité libérale, où la liberté recherchée/rêvée se révèle compliquée à apprécier quand le client (duquel on dépend pour se verser un salaire) devient le patron dont on pensait se débarrasser !

En fonction des régions, les "clients" du travail social libéral peuvent être peu nombreux et donc relativement "puissants" face aux TS libéraux qu'ils recrutent (et qui ont besoin d'un salaire !). Cela peut dans quelques cas poser la question de la résolution des conflits éthiques et déontologiques dans les situations où les intérêts du client (payeur) sont contraires aux intérêts de la personne accompagnée. Si ce type de conflits ne sont pas propres au secteur libéral, on peut supposer qu'ils peuvent être plus complexes lorsqu'on n'est pas en CDI et que la viabilité de l'activité libérale dépend de la satisfaction du client. Mais on peut faire confiance aux collègues libérales intervenant en entreprises et institutions pour construire une posture adaptée à cette situation et des façons d'éviter et/ou résoudre ces conflits éthiques propres à leur secteurs d'interventions.

 

...Au Travail Social libéralisé.

Non, là où le Travail Social Libéral dérape, c'est quand il s'ouvre aux personnes accompagnées. C'est ce dont nous parlerons désormais et qu'on pourrait appeler le Travail Social Libéralisé : celui qui transforme les personnes accompagnées en clients et le secteur de l'aide aux personnes en difficultés sociales en marché.

Je reste assez interloquée par le nombre d'Assistantes Sociales libérales qui promeuvent leurs interventions (de 50 à 90€ le premier entretien) à destination de personnes qui ont besoin d'aide dans leurs démarches administratives et notamment proposant des interventions à destination de personnes qui n'ont clairement pas les moyens (ex: dossiers de surendettement) lesquelles pourraient être aidées gratuitement ! Je parle pas des propositions (racoleuses?) d'aide pour l'accès au logement social (c'est sûr y'a des clients et de la thune à se faire sur la problématique logement!). Interloquée aussi par le nombre d'Assistantes Sociales qui veulent devenir libérales et que ça ne questionne pas plus que ça de facturer directement les personnes accompagnées. Coup de vieux: Faire payer les bénéficiaires, ça me serait jamais venu à l'esprit, je dois être d'une génération qui a eu trop de cours d'éthique et de déonto !

Admettons. Nous n'avons pas (et heureusement) tous les mêmes convictions. Notre éthique ne nous pousse pas tous à conseiller à une personne surendettée d'aller se faire aider gratuitement par l'association X ou le service Y, plutôt que de lui facturer 4 séances d'accompagnement à la constitution du dossier de surendettement à  80€ chacune ! Le manque de services publics ou la difficulté d'accès à ces services pourra inspirer à certains l'envie de se battre pour garantir à tous l'accès à ces services essentiels; et à d'autres l'idée de proposer une alternative payante à destination de ceux qui en ont les moyens (ou pas!). [Mais avouez que ça fait quand même moins mal quand la marchandisation du travail social vient de sociétés opportunistes plutôt que quand elle est introduite par des personnes diplômées qu'on a un jour appelé "collègues"!]

Malgré nos différences, nos diplômes communs doivent tout de même nous permettre de réfléchir et voir le problème qu'il y a à faire de l'accompagné un client. En dépendant financièrement de l'accompagné, en recherchant la satisfaction client, on ne va pas être dans la même relation ni intervention. On n'aura pas forcément intérêt à travailler l'autonomie et l'indépendance vis-à-vis du service vendu (bawi!), pas non plus intérêt à évoquer / traiter certaines problématiques prioritaires si le "client" ne le souhaite pas (addictions,  protection de l'enfance et des adultes vulnérables...). On aura encore moins intérêt à expliquer au client qui nous a trouvé au hasard d'Internet, que le service qu'on lui propose peut être gratuit ailleurs... Côté client, on recherchera la résolution d'un problème donné ou d'une tâche et pas forcément un accompagnement (qui pourrait couter cher au tarif des séances!).

Finalement, pas mal d'aspects du Travail Social, de l'accompagnement social, reposent ou s'étayent sur l'absence de lien financier direct entre l'accompagné et l'accompagnant. Si l'on ajoute à cela le fait que beaucoup des prestations proposées par les "assistantes sociales libérales" relèvent de l'accompagnement administratif voire du coaching, on peut s'interroger sur la place de ces pratiques dans ce que nous définissons habituellement comme le Travail Social / l'accompagnement social ?

 

 A l'absence de Travail Social

Si une offre payante permet à des gens qui en ont les moyens de faire sous traiter certaines problématiques ou démarches par une personne qu'ils emploient et qui obéira (se limitera) à leur demande: alors ce service, même s'il intervient pour des démarches "sociales" et même réalisé par un professionnel diplômé, n'a pas à être lié à la profession, au diplôme et à la pratique du Travail Social.

Les "assistantes sociales libérales" qui proposent une aide administrative payante devraient s'appeler secrétaires libérales ou coach ou écrivain public ou assistantes ou que sais-je, mais pas "assistantes sociales", toutes diplômées qu'elles soient ! Pour exemple, le site "Mes allocs" qui propose une ouverture de droit et un accompagnement payant a fini par retirer toute référence aux "assistantes sociales" et appeler ses intervenants des "experts" (on n'y est sans doute pas pour rien et on en est plutôt fiers). Et ce n'est pas un détail: en obtenant un DEASS vous obtenez un titre protégé, qui ne peut pas être utilisé par n'importe qui et ne doit pas être utilisé pour faire n'importe quoi. Or, la pratique des "assistantes sociales libérales" n'est actuellement pas réglementée: elles peuvent faire n'importe quoi (comme confondre les missions d'une ASS avec celles d'un écrivain public, d'un coach, d'un guidant mémoire, d'un juriste, d'un éducateur, d'un animateur ou d'un psychologue), et certaines ne s'en privent pas ! Même la meilleure assistante sociale libérale peut être fort gênée de voir son titre et son travail associé à la pratique déréglementée de certaines de ses "collègues" libérales !

 

Face au libéralisme, l’État doit réglementer !

Le titre d'assistant.e de service social doit rester lié à une notion d'assistance sans échange financier direct (et au placement des enfants gnark gnark) et pas confondu avec la pratique déréglementée de certains professionnels.  Ex : Actuellement, les assistantes sociales libérales proposent beaucoup de services de secrétariat administratif à des personnes qui pourraient faire les démarches elles-mêmes. Dans le vrai travail social, les assistantes sociales refusent de faire à la place des personnes capables et d'être confondues avec des secrétaires personnelles, proposant plutôt de faire avec les personnes et/ou de leur apprendre à faire elles-mêmes.

Alors certes, il y a une plus-value à obtenir de l'aide, de l'écoute et des conseils d'un travailleur social diplômé (s'il a une expérience significative) et les "experts" qui proposent ces prestations doivent pouvoir s'en prévaloir (il ne s'agit pas de leur retirer leur diplôme!). Mais pour cela, et avant cela, il me semble indispensable que l’État réglemente l'usage du titre "Assistant de service social" en libéral. La proposition n'est pas folle : la réglementation / régulation par les pouvoirs publics est indispensable dès lors que nait un nouveau "marché", pour y garantir l'application de droits et devoirs pour les professionnels et "clients". Cette régulation de l'usage du titre devrait a minima bannir l'utilisation du titre pour la facturation de certains actes (notamment ceux en direction de personnes en difficultés financières, type dossier de surendettement, qui peuvent être obtenus gratuitement par ailleurs ou ceux qui n'ont rien à voir avec la profession).
 

Entreprendre n'est pas honteux. Mais

Certains ex travailleurs sociaux sont clairement passés du côté des entrepreneurs: ils ont monté des entreprises (entreprises facturant des personnes accompagnées ou des travailleurs sociaux à la recherche de clients), ces entreprises cherchent, par définition, le profit. Et, précisons, ce n'est pas le fait d'être entrepreneur qui empêche d'avoir à cœur de proposer un service de qualité, respectueux des personnes et de l'intérêt des personnes accompagnées. Le problème n'est pas individuel (ce n'est pas l'assistante sociale libérale), mais collectif (ce sont les assistantes sociales libéralisées et leurs plateformes): le problème c'est ce qu'introduisent leurs pratiques dans le secteur social qui, jusqu'à peu était plutôt un sanctuaire réservé au non lucratif, dont les actes étaient garantis par la recherche de l'intérêt collectif et non du profit.

Si on considère qu'il ne peut pas y avoir de service social à deux vitesses (un pour ceux qui n'ont pas les moyens, et un autre pour ceux qui paient) : alors il ne peut pas exister de service social libéralisé, mais tout au plus une offre de service qui n'en porte pas le nom. => Il est urgent de réglementer et de mettre fin au grand nawak actuel !

 

Si tu as lu cet article à la recherche de conseils pour te lancer :

Je partage mon plan, inspiré directement de ce qu'on trouve actuellement sur le net.

Ouvre une plateforme bien référencée (pub Insta, Tik Tok, facebook, sponsoring Google...) permettant aux gens qui cherchent de l'aide et aux travailleurs sociaux qui veulent facturer des clients de te trouver.

Promets aux clients d'avoir une aide efficace et rapide pour leurs problèmes (d'argent, de logement, de famille: tu peux t'inspirer des mini prospectus des marabouts qui promettent de tout résoudre).

Promets aux travailleurs sociaux de se faire des thunes sans sortir de chez eux ni avoir de contact physique et olfactif avec leurs clients (tout en visio).

Encaisse les thunes de l'abonnement des travailleurs, de leurs clients, et un pourcentage de leurs "consultations".

Réinvestis tes bénéfices en publicité.

Ouvre un centre d'appel géant en Afrique du Nord ou en Europe de l'Est: dis à tous tes conseillers, quel que soit leur accent et formation, de dire qu'ils s'appellent "Martin" ou "Nathalie" et qu'ils sont "assistante sociale"

Fais toi racheter par Google.

 

De rien. C'est gratuit (oui, il va falloir qu'on perde cette habitude de pas faire payer !)

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