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Publié par DSOL-SUPAP-FSU

Bonne nouvelle, on aura peut être enfin droit à un rafraichissement des messages d'attente du 115.

Oui mais mauvaise nouvelle, le contenu :

Sur l'air des lacs du Connemara "Bienvenue au 115. Si vous êtes français, tapez 1, si vous êtes réfugié apatride, bénéficiaire de la protection subsidiaire, tapez 2, sinon: raccrochez !".

 

Le logement et l'hébergement sont des compétences de l’État.

C'est donc à l’État qu'il appartient de financer, notamment, la construction, les aides au logement ou encore les dispositifs d'hébergement. A noter que les Départements peuvent être compétents en matière d'hébergement dans le cadre de leurs missions en matière d'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) et en devoir d'intervenir notamment en direction des familles comprenant des enfants mineurs, des femmes enceintes ou parents isolés.

L’État fixe les conditions dans lesquelles sont financés les différents dispositifs d'hébergement (du CADA au CHRS en passant par les résidences sociales et les CHU). Il définit, en partenariat avec les Départements notamment, les actions et publics prioritaires pour l'accès au logement et à l'hébergement en s'appuyant sur... la loi. Du coup, la Loi Immigration si elle était appliquée telle que votée à ce jour, pourrait venir bouleverser les secteurs du logement et de l'hébergement au delà des seuls délais de carence pour l'accès au DALO, allocations familiales et APL.

 

Et l’État a choisi de "carencer" les étrangers.

La loi Immigration prévoit un délais de carence de 2,5 à 5 ans pour l'accès aux allocations familiales, à la PAJE, l'ASF, l'allocation de rentrée scolaire, aux allocations logement et au Droit Au Logement Opposable des étrangers en situation régulière selon qu'ils travaillent ou non. Cela signifie qu'un étranger, s'il n'est pas réfugié, apatride bénéficiaire de la protection subsidiaire, d'un visa étudiant ou d'une carte de résident, devra attendre a minima 2 ans et demi avant de pouvoir ouvrir droit à ces aides. 

C'est donc pas un problème pour les étrangers qui ont un salaire qui fait 3 fois le montant du loyer, un bon garant, des économies et la liste des propriétaires sympas du coin. Pas un problème non plus pour ceux qui ont des amis qui (ah bah ça ça tombe bien alors!) ont une ou deux chambres en trop et sont prêts à les héberger quelques années. Mais imagine tu connais pas grand monde en France, t'as un salaire "normal" (on parle même pas des SMICards) et t'as un nom/une tête d'étranger (si, si ça joue) ... bah t'es mal barré !

Concrètement donc, la loi immigration remet au gout du jour l'expression "avoir un nom à dormir dehors". Expression rappelons-le, qui vient du moyen-âge, époque où les taverniers, méfiants, rechignaient à ouvrir leur porte et loger les visiteurs qui se présentaient avec un nom pas chrétien.

 

Oui mais, promettait Macron, plus personne en France ne va dormir dehors (lol).

Du coup pour ceux qui ne pourraient pas accéder au logement, il existe plusieurs dispositifs d'hébergement. On en parle moins mais la loi Immigration s'y attaque aussi. D'abord, l'article 19ter A de la loi supprime la possibilité que le SIAO soit assuré par une autre autorité que l’État (une association par exemple), on assure ainsi l'obéissance du système.

Le même article prévoit que les étrangers en situation irrégulière faisant l'objet d'une OQTF ne peuvent être hébergés "au sein du dispositif d’hébergement d’urgence que dans l’attente de (leur) éloignement". C'est à dire que soit ils n'y vont pas, soit l'hébergement d'urgence deviendra un préalable à la rétention/l'expulsion (du coup autant dormir dehors si tu veux pas te réveiller dans l'avion !).

L'article 19 quater prévoit l'impossibilité pour les demandeurs d'asile déboutés de se maintenir en Centre d’Accueil ou Hébergement d'Urgence pour Demandeur d'Asile (CADA et UDA). La loi prévoyait auparavant un délais d'un mois et s'appliquait concrètement d'une manière relativement souple.

On imagine les travailleurs sociaux des centres d'hébergement se transformer en Laurence Boccolini : "Le récit de votre parcours traumatique n'a pas convaincu le jury, vous êtes le maillon faible: Au revoir".

 

Des associations et élus prêts à désobéir, mais...

En réponse à cette loi, plusieurs élus (dont la Maire de Paris) et associations ont fait savoir qu'ils refuseraient d'appliquer la loi. Mais le peuvent-ils ? Non ! Du moins pas vraiment. C'est l’État qui finance les places d'hébergement: un opérateur (association, CCAS...) qui n'applique les règles prend le risque de perdre tout ou partie de ses financements. On peut imaginer que les places en CHU ou en CADA occupées par des étrangers qui, selon la loi ne devraient pas s'y maintenir, ne seront plus financées. De fait, les opérateurs (à moins d'avoir de l'argent à perdre ou le numéro de Jeff Bezos) seraient donc budgétairement contraints d'appliquer les directives de l’État.

Il en va de même pour tout le secteur de l'hébergement. C'est l’État qui fixe la destination des places qu'il finance (CHRS, résidences sociales...), notamment à travers les Contrats Pluriannuels d'Objectifs et de moyens (CPOM). Si l’État considère que le public étranger n'est pas prioritaire, on peut supposer que les moyens alloués à l'hébergement de ce public vont a minima diminuer.

Et de fait, la loi immigration "dépriorise" les publics étrangers, dont la situation ne sera plus évaluée en fonction de leur  urgence mais au regard de leur situation de séjour (régularité, ancienneté, motif d'admission). Les familles, et notamment les nombreuses familles monoparentales encore hébergées d'urgence via le 115, pourraient ne plus être prises en charge par l’État (et de fait relever supplétivement des Départements au titre de l'ASE - mais les Départements ne pourront pas payer pour tous les concernés et beaucoup se retrouveraient de fait à la rue).

Du coup, en ce moment Anne Hidalgo (et elle a raison pour le coup) médiatise son désaccord et refus d'appliquer la Loi. Mais à un moment elle va être coincée et devoir choisir entre céder (et appliquer) ou payer (financer les places que l’État ne financera plus).

 

A suivre: effet domino et embolie du système...

L'article 1N de la loi Immigration impose un délai de carence pour l'accès au Droit au Logement Opposable (DALO) 2,5 à 5 ans aux étrangers en situation régulière (hors apatrides, réfugiés, bénéficiaires de la protection subsidiaire, ou d'une carte de résident). Si cette orientation est maintenue à l'issue de l'examen de la Loi par le Conseil Constitutionnel, elle pourrait devenir une référence pour définir le périmètre des publics prioritaires pour l'accès et le maintien dans le logement. Les Plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD), les Accords pour le Relogement des Publics Prioritaires (ARPP ex Accords Collectifs) ou encore le Système de Priorité Logement (SYPLO) pourraient ainsi être modifiés au détriment des étrangers.

Si l'application de la loi ne concernera pas les étrangers ayant fait valeur leurs droits (allocations familiales, DALO...) en amont de sa promulgation, elle aura un impact immédiat sur tous les autres et notamment sur les personnes actuellement hébergées.

Le délais de carence imposé aux étrangers va nécessairement emboliser un secteur de l'hébergement déjà à bout de souffle. Quelle solution de sortie pour ceux qui ne pourront plus compter sur les allocations (familiales et logement) pour faire face au paiement des loyers ? Alors que les durées de séjour s'allongent dans les Centres d'Hébergement, notamment en lien avec les difficultés et délais de régularisation, quelles durées de séjour quand même la régularisation ne suffira plus ? S'ils ne sont plus reconnus prioritaires pour l'accès au logement, comment / où sortiront les étrangers résidents en hébergements ?

Bien sur, allonger la durée de séjour des uns, c'est allonger le temps d'attente (à la rue) des autres. Ce problème, l’État ne peut l'ignorer et sans doute que c'est aussi une façon pour lui de répondre à la pénurie de place que de limiter les personnes qui y ont accès. C'est bien ce que traduit le discours d'une élue de l'opposition (LR) parisienne selon qui  "alors que nos capacités d’accueil sont saturées et nos marges de manœuvre inexistantes" l'application du "principe d'accueil inconditionnel" est "irresponsable".

Oui, on en est là: le principe d'inconditionnalité de l'accueil est purement et simplement, non pas seulement remis en cause, mais jugé "irresponsable" !

 

Pour le SUPAP FSU, ce qui est irresponsable, c'est de laisser des gens dormir dehors.

Notre indignation face à la précarité ne saurait s'échelonner en fonction des origines,  de la religion, de la couleur de peau des concernés, ni être conditionnée à la délivrance d'un  papier (tout plastifié soit-il).

 

 

 

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