J'ai testé pour vous... PIAF et GEODES
Je me baladais sur l’avenue le cœur ouvert à l’inconnu... quand tout à coup :
PIAF ! dans ma gueule.
Alors, me demanderez-vous, ça fait mal ?
Anticipant votre question, j’ai testé pour vous : PIAF (et GEODES : parce qu’un logiciel à la con en cache toujours un autre).
PIAF (Paris Informatisation des Aides Facultatives), si t’es travailleur social en polyvalence à Paris, tu connais ! C’est, pour reprendre les mots de Lau.Co, « ton cœur de métier ».
C’est un logiciel qui fait la fierté de la direction du CASVP depuis près de 20 ans. Au top de la tendance avec son look vintage, il est spécialement conçu pour les nostalgiques de Windows 95. Endurant et fiable, PIAF peut rester ouvert pas moins de 9 minutes d’affilée sans planter !
Grace à Piaf, tu peux savoir ce que tout parisien coûte en aide facultatives à la collectivité ! Mieux: en période de canicule, Piaf permet à la direction de calculer quasi instantanément les économies réalisées auprès du public âgé ! Piaf, c’est tellement bien qu’on l’utilise aussi pour les aides pas facultatives. Piaf il est tellement fort qu’on aurait dû l’appeler Zeus : en comptant au centime prêt les thunes dépensées pour les usagers, il met K-O la déesse Isis, qui, hou la honte, ne comptabilise que les actes pros.
GEODES (GEstion infOrmatique des DocumEntS) c’est le « nouveau » logiciel conçu pour être le poto de PIAF. Grace à une technologie révolutionnaire (le scanner), GEODES remise au placard les photocopies et permet de faire des économies de papier et de place ! Grâce à GEODES, tu peux maintenant accéder directement dans PIAF à tous les papiers des familles fichées pour avoir demandé à être aidées !
Bon, en vrai GEODES est pas le poto de PIAF, vu que les deux logiciels ont 15 ans d'écart, c'est plutôt PIAF qui est la cougar de GEODES. Du coup, faire entrer GEODES dans PIAF, c'est un peu comme faire entrer une clé USB dans un lecteur de disquettes: sur un malentendu ça peut marcher, mais pas sans ramer... et ça rame, ça rame, et tu perds un temps fou à ramer...
Dans mon service, jusqu’à il y a quelques mois, PIAF et GEODES ne nous concernaient pas. On avait, en tant qu’ancien service DASES, un joli service « enquêtes extérieures » composé de secrétaires chargées de recevoir nos rapports-plein-devaluation-et-de-travail-social pour les transformer en purée informatico-administrative.
Mais ça c’était avant. Avant que Flonessa Beyol et Varence Pounoit rachètent les Services Sociaux et éjectent les secrétaires des enquêtes extérieures pour les remplacer par ... euh... ben... par nous, travailleurs sociaux et secrétaires médico-sociales des SSP (parce qu’avant on se faisait grave chier, ça va sans dire).
Du coup maintenant, PIAF et GEODES font partie de notre quotidien de travail-plus-si-social au même titre qu’ISIS, Aïda et j’en PASS et des meilleures (oui, elle est bonne).
L’arrivée de PIAF et GEODES s’est faite à la cool. Avec des formations obligatoires et autres réunions pleines de PowerPoint palpitants (où t'es à deux doigts de décéder tant le suspens est intense avant chaque changement de slide...), qui touchent au cœur de notre métier (le PC). Et puis ils ont opté pour la démocratie participative, en laissant les agents libres de décider de la répartition des tâches entre travailleurs sociaux et secrétaires. Ainsi divisés, les agents ont à peine le temps de penser à faire front commun pour sauver les postes supprimés que PIAF ! GEODES est déployé.
Dans mon service, les travailleurs sociaux de zone doivent créer la demande sur ISIS, puis sur PIAF, imprimer le « bordereau de numérisation GEODES » puis classer les justificatifs et les mettre dans de jolies intercalaires spéciales GEODES. Les secrétaires finissent ensuite l’instruction dans PIAF et numérisent les documents dans GEODES. Les travailleurs sociaux d’accueil font tout le travail (et sans doute, du coup, moins d’aides financières qu’avant !).
PIAF et GEODES, pour moi qui suis à l’aise avec l’informatique, me prennent bien 5 à 10 minutes supplémentaires par aide financière (ma collègue ChutChut Pasdenom qui tape à un doigt et panique devant un écran y passe plutôt 15 minutes). 5 à 10 minutes extrêmement désagréables, où j’attends que ça charge, clique dans une douzaine de cases (très moches), prie pour que ça plante pas, navigue d’un logiciel-à-la-con à un autre, cherche la bonne intercalaire pour le bon justificatif, range les intercalaires, me rends compte qu’il manque une intercalaire...Bref, 5 à 10 minutes que je passe pas à appeler un de mes usagers qui ne se manifeste plus pour prendre des nouvelles, appeler un partenaire pour parler d’une situation, réfléchir, analyser : essayer de pas passer à côté de quelque chose/faire de la prévention, du travail social.
C’est simple, depuis qu’il y a PIAF et GEODES, certaines collègues sont beaucoup plus sélectives dans les aides financières (le concept « toute demande doit être instruite –même si pas soutenue par le travailleur social » est so 2013 !). Depuis qu’il y a PIAF et GEODES, on kiffe tous les FSL (trop facile !).
Et ma secrétaire ? Je vous dirais bien ce qu’elle en pense, mais je la vois plus, elle est au scanner, la tête perdue entre un téléphone, deux écrans, trois logiciels et quatre remplacements à l’accueil.
Alors, PIAG GEODES, le bilan (certifié par l'expert) :
Bien sûr, je/on va s’habituer. Intégrer ces minutes supplémentaires à notre quotidien de travail, oublier qu’avant un service dédié s’occupait de tout ça et permettait aux travailleurs sociaux de faire du travail social... C’est pas grand-chose, après tout, quelques clics, quelques minutes en plus...
Et puis un jour, on prendra le temps de penser à tout ce qu’on ne fait plus, à tout ce qu’on faisait de ces quelques minutes pour ISIS, de ces quelques minutes pour PIAF, de ces quelques minutes pour GEODES, de ces heures de procédures qui tuent le processus et étouffent le travail social... étouffent le travail social qu'on a choisi, celui qui se fait principalement auprès des gens et pas derrière des écrans; celui où on faisait plus éthique, moins de clics, plus de lien...
Séverine
PS les collègues: Rendez vous le 24 mai à partir de midi à la bourse du travail (République) pour l'assemblée générale des services sociaux de proximité!