Chalex, Canicule : le (mauvais) Plan C. du CASVP
Rappelles-toi : en 2003, la canicule avait fait plein de morts. Du coup, en 2012, Paris-la-réactive a décidé lancer :
Le Plan Canicule.
Le Plan Canicule, c’est un peu comme un mauvais Plan Adopte un Mec. Ça parle beaucoup, ça communique à mort mais en vrai c’est pas aussi beau que sur la photo et en plus ça finit pas bien le travail !
Bref, le plan Canicule, c’est un mauvais plan C. de plus.
L’idée est pas mauvaise. Loin de là. 2003 a démontré la nécessité de tout mettre en œuvre pour préserver nos vulnérables ainés. Parce que si on les laisse partir, après ca créée des places assises de trop dans les bus aux heures de pointe, ça fait chuter l’action Tena et Stannah et la Mairie sait plus à quels électeurs refourguer ses boites de chocolats.
Alors, aux grands maux les grands remèdes :
Quand il fait (très) chaud...
Quand l’odeur des corps dégoulinants rend les transpires en commun impraticables…
Quand les bermudas, chemisettes et autres claquettes prolifèrent dans la Capitale de la Mode...
C’est que l’heure est grave, le préfet déclenche le Niveau 3 du plan Canicule :
l’Alerte Canicule.
Et à Paris, on a sorti les gros moyens. C’est vrai : c’est écrit sur Paris.fr.
D’abord : y’a la mallette canicule. Il s’agit d’une petite valise contenant un brumisateur, un ventilateur manuel et une bouteille de cristaline-avec-le-nouveau-bouchon. Cette mallette, utilisée exclusivement en cas de Crise-avec-un-Grand-« C », est précieusement gardée dans le coffre-fort de l’hôtel de Ville par le chef de la sécurité, Mr Benallo.
Ensuite, Paris assure une veille météorologique. Un directeur de la veille météorologique est payé toute l’année pour regarder la météo chaque matin et prévenir tous les autres directeurs, chargés de mission, directeurs de cabinet, adjoints, élus...si il fait chaud.
Après, y’a le dispositif de communication. Et là on déconne plus ! C’est simple, pour tout projet parisien à 10 centimes, on met 10.000 euros de budget com’. Exemple : le Nouveau Paris Solidaire. On créée 0 postes, 0 moyens supplémentaires et on multiplie les évènements pour faire croire à l’électeur que les moyens supprimés ont en fait été créées !
Panneaux lumineux, affiches, prospectus, flyers : Paris fera tout pour que t’oublies pas qu’il fait chaud et que quand il fait chaud, faut boire de l’eau !
Enfin, ENFIN, il y a LA mesure :
CHALEX.
CHALEX (pour CHALeur EXtrême) c’est le nom d’un fichier où les plus de 75 ans peuvent s’inscrire pour avoir le droit à un coup de fil en cas d’alerte Canicule. Une fois fichées dans CHALEX, les personnes seront contactées par téléphone toutes les 48 heures par une cellule d’appel délocalisée à Bagneux (et bientôt au Maroc inch’Allah).
Bon, par contre, CHALEX c’est que pour les électeurs qui ont l’âge des chocolats gratuits + 10 ans. Les autres personnes vulnérables (femmes enceintes isolées, mal logés, personnes SDF et autres mineurs isolés étrangers...) on les appelle pas : faut pas déconner (et ils voudraient pas en plus qu’on leur donne des chocolats, nanmého) !
Donc, si t’as 75 ans, et que t’es fiché CHALEX, un gentil appelant t’appelle toutes les 48heures en cas d’alerte canicule. Il est super efficace car il a suivi une formation d’une heure ! Donc il t’appelle et il te pose une série de questions dont il entre les réponses dans un logiciel-dont-on-sait-pas-s’il-est-déclaré-à-la-CNIL ni qui y a accès (et qui ferait un carnage dans les mains de cambrioleurs). Et toi, tu dois répondre aux questions rapidement (y’a 8.000 inscrits t’es pas tout seul !) et uniquement par « oui » ou « non » (parce que le logiciel accepte pas d’autre réponse et qu’à Paris, si tu savais pas : le logiciel qui te fiche fait la loi).
Bon, c’est un peu con. Parce qu’à 11heures30 t’as vite fait de répondre « non » à la question « avez-vous mangé ? ». Et que si tu réponds « non » à 3 questions, on entre en :
Phase d’alerte.
La phase d’alerte c’est quand quelqu’un d’autre te re-rappelle pour te re-poser des questions, ouvertes cette fois-ci (ce que la centrale d’appel ne peut pas faire dès le premier appel parce que ce sont des prestataires et que ça coûte cher à l’heure). Alors, comme les moyens financiers mis en œuvre pour CHALEX se limitent aux appelants de Bagneux, on bricole un peu beaucoup en phase d’alerte.
Donc :
- Si t’as une voix à l’article de la mort, on a trouvé des médecins retraités bénévoles (gratuits) pour te rappeler.
- Si t’as 38.9° de fièvre, mal à la tête et pas mangé, on demande à une assistante sociale du Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris (gratuite car sur son temps de travail) de te rappeler.
Simple. Basique. Gratuit.
C’est donc là qu’entre en jeu :
la cellule de régulation sociale.
Ce sont des « assistantes sociales » volontaires réunies dans une caserne de pompiers pour rappeler les personnes qui ont trop dit « non ». Mais ne t’y fie pas : on les réunit dans une caserne pour le fun, parce qu’en vrai, celles qui sont là ne font qu’appeler et ne se déplaceront pas à la rencontre des vieux déshydratés au volant de camions rouges. Elles vont à la caserne juste parce que c’est là qu’il y a les meilleurs téléphones (on suppose, sinon on l'explique pas).
Bon, en vrai, les travailleurs sociaux sont à 90% pas volontaires. Le volontariat ça marche moyen dans les services sociaux parisiens. Difficile en effet d’être volontaire pour faire une mission facultative supplémentaire quand t’as déjà pas le temps de faire le travail qu’on te donne et que c’est plus compliqué pour les gens d’avoir rendez-vous avec toi que de voir un pédo-phlébologue-en-secteur-1 ! Du coup, depuis la création du plan C, et faute de volontaires, les travailleurs sociaux sont nommés volontaires (contraints donc) et sommés d’annuler tout ce qu'ils avaient prévu de faire (une visite à domicile chez une personne âgée qu'ils connaissent, par exemple) pour se rendre à la cellule de régulation sociale pendant une journée. Ils en sont ravis.
Donc, à la cellule de régulation sociale, les « lolontaires » rappellent les personnes qui ont dit 3 « non » et là naissent les situations cocasses qui démontrent que :
- Les questions fermées c’est pas fiable (du tout),
- Les personnes âgées restent de grands enfants fans de canulars téléphoniques: « je déteste les assistantes sociales mal baisées ! je t’éja**** dans la bouche ! »,
- Il y a toujours beaucoup trop de travailleurs sociaux forcés d'être volontaires : ceux qui sont sur place se font grave chier alors qu'une douzaine de dossiers urgents restent en attente sur leur lieu de travail.
- Quand c’est (vraiment) la merde, c’est une perte de temps d’appeler les gens deux fois et la situation finale ne relève pas d’une assistante sociale mais d’un... mais d’un … SOIGNANT !
Bref, CHALEX, est un pur produit de l’administration, livré avec une chaine hiérarchique de 150mètres de long, 45 étapes dont 13 doublons et une procédure compliquée-qui-a-failli-être-simple. Mais il va falloir s’y faire, car, pour reprendre l’argumentaire (implacable) de la Direction du Centre d’Action Sociale de la Ville de Paris :
« Le travail social change : y’a le réchauffement de la planète ! »
Et, CHALEX comme PLOUF75 le prouvent, les effets du réchauffement de la planète sont graves : ils ont fait fondre le cerveau des fonctionnaires placés trop haut et proches du soleil (et leur fait pondre des dispositifs trash qui demandent des cojones)...
Vivement le Plan Grand Froid !