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Publié par DASES-SUPAP-FSU

Charge mentale, Care, Vicariance et Cheveux gras

Toute débordée que tu sois par la lecture des ASH et autres romans passionnants sur l’excision, le viol, la toxicomanie et la maladie mentale, tu n’as pas pu, chère collègue, passer à côté de l’explosion médiatique du principe de charge mentale, popularisé par une BD humoristique de la dessinatrice Emma*.

La charge mentale se déplace du « faire » au « penser » pour illustrer l’inégalité qui demeure dans le partage des tâches au sein des foyers même quand les tâches ménagères y sont équitablement réparties (ça arrive). La charge mentale, c’est le poids d’avoir à penser à tout : organiser, gérer, anticiper, se rappeler... C’est les lignes de codes ininterrompues genre Matrix qui continuent de défiler dans ta tête et t’empêchent d’être totalement au repos à la fin de la séquence métro/boulot/marmots de ta journée, voire qui te torturent l’esprit le soir au point de t’empêcher d’accéder au Graal (le dodo).

En matière de charge mentale, une fois n’est pas coutume, le féminin l’emporte (pas de phallus, pas d’anus !). Tu peux vérifier : c’est pas sur la couverture des magazines masculins que tu trouves tous les deux mois un dossier spécial concilier vie familiale et vie professionnelle (en perdant 6 kilos sans efforts).

 

Pour nous, travailleuses sociales, là où ça se complique, c’est qu’on a choisi un métier du care. Un métier tourné vers le soin/soucis de l'autre, fortement féminisé et donc logiquement déprécié et sous payé.

Le boulot consiste bien souvent à accompagner des personnes en difficulté et à endosser pour elles une part de leur charge mentale inversement proportionnelle à leur degré d’autonomie. Au boulot comme à la maison donc, les gens comptent sur toi pour penser à tout et résoudre les problèmes CAFkaïens du quotidien.

Mais l’équation serait simpliste si on limitait la charge mentale issue du foyer et du care au fait de penser à des tâches ménagères et actes professionnels à faire, déléguer ou superviser. S’occuper de l’autre (de la vie familiale comme de la personne accompagnée), c’est penser la relation, les symptômes, le sens des actes posés, peser les mots, évaluer, analyser, questionner, trancher, bref, ajouter des lignes de codes existentiels, éthiques et empathiques complexes aux lignes de codes simples « à faire ». Là, ça commence à devenir sérieusement la merde, d’autant que le fait que toi, femme, réfléchisse, est souvent balayé d’un revers de main :

  • dans la sphère privée tu as vite fait d’être taxée de « trop te prendre la tête » par la personne qui n’a pas à se prendre la tête puisque tu gères tout,
  • dans la sphère professionnelle on en est carrément à nier toute dimension réflexive à ton travail désormais limité à des « actes pros » (le Directeur il a pas compris que tu travaillais peut-être sur ordinateur mais pas avec des ordinateurs).

 

Le truc paradoxal avec l’addition charge mentale + métier du care, c’est que ce phénomène, bien qu’il concerne essentiellement des femmes, peut conduire à la sortie de burnes (ou burn out). Tu gères, tu penses et à un moment ça dégénère, tu décompenses. Le burn out touche deux fois plus les femmes que les hommes. Ceci n’a sans doute aucun rapport avec l’injonction qui pèse sur elles de gérer l'ensemble des lignes de code de la Matrix, tout en étant souriantes, disponibles, de bonnes professionnelles, compagnes et mères expertes en éducation positive, verrines et tartes soleil, victorieuses dans leur lutte contre les bourrelets et les cheveux gras.

Bon, je te parle même pas du syndrome vicariant, usure compassionnelle propre aux professionnels de la relation d’aide, t’as déjà compris qu’il fallait te protéger. Oui, mais comment ?

 

Conseils (fournis gratuitement à l’aide des capacités cognitives qu’il me reste une fois gérés les gosses, le boulot, les études, le syndicat et mes cheveux):

1) La contraception :

Simple, mais efficace.

Permet de vivre longtemps, dans le calme et sans jamais faire l’expérience de marcher dans le caca dans sa propre maison. Les enfants ne sont jamais mignons quand ils vivent H24 avec toi; ils sont synonymes de vergetures et d'épuisement: protège-toi !

2) Le célibat :

Il existe aujourd’hui tout un tas d’accessoires permettant de se passer de compagnie : bouillottes, ouvre-boites, godemichets et autres mecs jetables disponibles en 3 clics.

3) Le chômage :

C’est mal payé, mais pas beaucoup moins qu’un travailleur social.

4) La greffe de phallus :

Grâce au phallus, tu auras un truc à gratter devant la télé le soir qui te permettra de te vider la tête et d’enfin pouvoir t’en battre les burnes (tous les experts s’accordent à dire que s’en battre les burnes est le meilleur remède contre le burn out). Solution couteuse mais miracle, le phallus te permettra d’accéder à un meilleur salaire, de nouveaux droits (dont le très économique Droit au poil) et à une source inextinguible de mauvaise foi essentielle pour gravir les sommets...

 

Bon, sinon, tu peux dire NON (et mettre un coup bien placé si ça suffit pas). Ca s'apprend. A plusieurs c'est mieux si tu veux réussir à faire bouger les choses durablement. Et comme tu n'es pas seule à le vouloir : Viens, on t'attend !

 

Séverine

Charge mentale, Care, Vicariance et Cheveux gras

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A
<3 Séverine <3
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