Social Killer Vol III : La Cour des Comptes
Social Killer Vol III : La Cour des Comptes
La Cour des Comptes s’attaque aux ASS de polyvalence, de la CAF, à la formation et aux diplômes d'État
La Cour des Comptes (CC) a publié le 20 janvier 2025 un rapport intitulé “L’accompagnement social généraliste dans les caisses d’allocations familiales et les départements” accompagné d’un “rapport complémentaire” sur “La formation initiale des travailleurs sociaux chargés de l’accompagnement social généraliste”.
Ce Rapport de la CC sur l'accompagnement social donne une vision tronquée du travail quotidien des collègues diplômés d'État du travail social qui exercent dans les conseils départementaux et dans les CAF, deux types de services qui ne sont pas comparables. Pas les mêmes statuts, pas la même organisation, ni les mêmes missions.
Comme les Toquées de l'Éthique, on kiffe la CAF, mais franchement avec la poly rien à voir !
Seul point commun dans ces services, ce sont les assistantes de service social qui sont majoritaires, suivies des CESF et des éducatrices et éducateurs spécialisés. Oui, des ES qui sont de plus en plus accueillies dans ces services généralistes, vive la diversité. Ls ES voient par cet accueil le caractère généraliste soit “spécialisé en tout” de leur diplôme reconnu, mais la cour des comptes prévoit de régler…leur compte ! Fini le Diplôme d'État d'Éducatrice Spécialisée…finalement vous n’êtes pas assez généraliste !
Idem pour ASS et CESF alors que ces professions sont aujourd'hui adaptées aux services de polyvalence de secteur (départements) et de catégorie (CAF), la cour veut les supprimer. Pourquoi ? Parce que ça réglera la crise du secteur ! Non la crise ne vient pas des professionnels mais du manque de professionnels. Ce manque s'explique par de nombreux facteurs dont le facteur financier et les politiques managériales des administrations (New Public Management, lean management, politique du changement permanent, etc).
En même temps, quand on lit que pour la Cour des Comptes “l’action d’un travailleur social est censée rendre plus efficaces les prestations monétaires sociales” on voit bien l'écart entre les valeurs humanistes du travail social et les valeurs financières de la technocratie.
C'est à la fois une ignorance crasse du travail social, et une approche idéologique assumée et dangereuse.
Dans son rapport sur “l’accompagnement social “généraliste” la Cour ose prétendre que les professionnels du travail social de ces services ne travaillent pas suffisamment, avec “un faible nombre moyen de rendez-vous assurés”. Les collègues polysaturées apprécieront… Un calcul qui ne prend pas en compte les postes vacants, les rdvs non honorés, les VAD, les accompagnements extérieurs, les entretiens téléphoniques, bref un calcul raté.
Autre constat, une insuffisance d’informatisation des fichiers ! Alors que nous sommes chargés de remplir de nombreux “progiciels” et plateformes pour faire du reporting et transmettre des demandes d’aides, d’hébergement, ou d’accès aux droits et que cela réduit notre temps d'accompagnement en face à face.
Nous ne parlerons pas ici du télétravail pas du tout pris en compte par la Cour, alors qu'il a un impact sur le travail au quotidien.
Les génies de la Cour des Comptes ont de super idées, ils recommandent de “définir l’accompagnement social” alors que le travail social qui englobe l'accompagnement social, est défini dans le Code de l'Action Sociale et des Familles (CASF) à l'article D142-1-1 :
“Le travail social vise à permettre l'accès des personnes à l'ensemble des droits fondamentaux, à faciliter leur inclusion sociale et à exercer une pleine citoyenneté. Il contribue à promouvoir le changement social, le développement social et la cohésion de la société, dans un but d'émancipation, d'accès à l'autonomie, de protection et de participation des personnes”
Heureusement dans cette définition le travail social n’est pas (encore) pensé comme un moyen de rendre plus efficace les aides sociales !
La cour des comptes se trompe de mission et sort de son indépendance :
La CC quesaquo ? Un petit paquet (de) blancs que l’on renifle à l’assemblée ? Mouais…douteux mais fallait la faire !
L’article 47-2 de la Constitution Française indique que : “La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens.”
Il semble ici que ce “Rapport sur l’accompagnement social généraliste” s’inscrive dans l’évaluation des politiques publiques, mais il n’y a pas de politique publique s’intéressant à l’accompagnement social “généraliste” ni spécialisé. (Cf. Michel Chauvière)
Il ne s’agit pas ici d’une évaluation de la politique mais d’une interprétation des pratiques professionnelles de terrain.
Il suffira de consulter les réponses des responsables des départements qui pour certains défendent toute de même les ASS, CESF et ES qu'ils emploient.
Il ne s'agit pas d'un contrôle de la bonne utilisation des fonds publics. D'ailleurs comment bien utiliser de l'argent qu’on n’a pas ? Puisqu'en termes d'accompagnement social “général” ces fonds publics ne cessent d'être réduits, remaniés, mutualisés, etc. D'autant que les services de polyvalence ne cessent de subir les réductions budgétaires des autres services et doivent pallier à la réduction de prise en charge de nombreux services directement en faisant le travail d'accompagnement a leur place et indirectement en palliant à l'absence de réponse de ces services (place en protection enfance, place hébergement, aides financières, etc.).
Mais qui défendra les professions et leurs formations ?
Nous sommes également révoltés par les recommandations du rapport complémentaire sur la formation qui préconise rien de moins que de supprimer les 3 professions, largement féminines, d’Assistante de Service Social, de Conseillère en Économie Sociale et Familiale et d'Éducatrice Spécialisée.
En effet la Cour des Comptes s'invente une nouvelle mission, celle de définir les formations et les professions du travail social,
Et sans aucune étude des éventuels impacts financiers (ni sociaux) que de tels chantiers et changements pourraient provoquer.
La Cour justifie son ingérence : “Les faiblesses de l’accompagnement social sont aggravées tant par les difficultés liées à la crise d’attractivité du métier de travailleur social, qui peuvent expliquer les problèmes de recrutement dans certaines régions, que par le faible nombre moyen de rendez-vous assurés par les professionnels et certaines réticences à l’évolution des pratiques. Ces constats conduisent à envisager une révision partielle du dispositif de formation.”
Et c’est ainsi que les magistrats de la CC nous offrent un “rapport complémentaire” sur “La formation initiale des travailleurs sociaux chargés de l’accompagnement social généraliste”
Ici la Cour des Comptes sort de son rôle et de son indépendance en venant confirmer des orientations politiques déjà dénoncées par le passé et remises au goût du jour par ce rapport.
Comme la recommandation par la cour des comptes de la suppression des professions d’Assistante de Service Social, de Conseillère en Économie Sociale et Familiale et d'Éducatrice Spécialisée, mesure déjà tentée par le gouvernement en 2014 et qui a été stoppée par des manifestations historiques pour le champs travail social (cf. Avenir Educs, Debout pour nos métiers).
Il serait (encore) question de créer un diplôme unique pour ces trois professions. Si l’on va jusqu’au bout du raisonnement, ce serait un diplôme d’agent social polyvalent au service des employeurs. Chargé uniquement de recevoir en continu les personnes et de numériser leur vie et les actes effectués, avec un fort taux de réussite. Tout cela sans moyen supplémentaire, bien sûr.
Ainsi, nous membres de la section DSOL-CASVP du SUPAP FSU appelons les collègues exerçant dans le champ sanitaire et social à partager ce billet et à se positionner.
Assistantes de Service Social, Conseillères en Économie Sociale et Familiale, Éducatrices de Jeunes Enfants, Éducatrices Spécialisées, Éducateurs Techniques Spécialisés, les Monitrices-Éducatrices, Accompagnants Éducatifs & Social , les Techniciennes d’Intervention Sociale et Familiale, responsables et directeurs, formatrices et formateurs en travail social, étudiantes et étudiants, organisations syndicales représentatives du secteur sanitaire et social, organisations professionnelles unissons-nous pour défendre les Diplômes d’Etat attaqués et faire des propositions d’amélioration de la formation et des conditions d’exercice de ces professions, consolider plutôt que détruire, et rester toujours “debout pour nos métiers”.