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Publié par DASES-SUPAP-FSU

Au SUPAP FSU, on est habitués des débats houleux nés de notre activité syndicale (défense des agents) dans la fonction publique (défense des services publics) et au sein des services médico-sociaux (défense de l’intérêt supérieur des personnes accueillies et accompagnées).

Pour le coup, la question du télétravail nous donne carrément des sueurs froides ! Pour la première (et dernière) fois, la question s’est posée de savoir si nous devions prendre une position « électoraliste » ou défendre nos convictions. Et « la question elle est vite répondue », comme dirait l’autre : nous avons choisi nos convictions et refusé de nous abstenir de poser certaines questions, tous conscients des avantages du télétravail pour les agents et du souhait de beaucoup de télétravailler.

Chaque agent, en fonction de sa situation, de son poste ou de ses convictions, a son avis sur le télétravail. Le coronavirus aura été un accélérateur de la mise en place de ce télétravail qui va nécessairement, quoi qu’on en pense, entrer dans nos vies professionnelles et changer la manière de travailler, les rapports à nos services et aux personnes accueillies.

Pourtant, les avantages de cette nouvelle manière de travailler (gain de temps de transports, confort, quiétude…) ne doivent pas éclipser les nombreuses questions qu’elle soulève, dans les services sociaux en particulier.

 

« Télétravail-social » ?

Au cours des dernières années, le SUPAP FSU n’a eu de cesse d’intervenir en direction des services sociaux pour y demander (en gros) « les moyens (d’être) humains » : des postes, du sens (via principalement un allégement des tâches bureaucrato-procéduro-informatiques).

 

L’intérêt des agents  ?

Tout serait plus simple si nous n’avions que l’intérêt des agents à prendre en compte. Car oui, le télétravail peut apporter du positif aux agents dès lors qu’ils l’ont choisi. Il permet de gagner en temps de transport, d’habillage raccord avec le bijou et, pour ceux dont les conditions de vie et de logement le permettent, de travailler dans un cadre plus serein et confortable. Le télétravail est aussi l’occasion de s’extraire d’un contexte  difficile : collègues réfractaires au déodorant, chefs anti-shorts, usagers qui te poursuivent de leurs assiduités et font sonner ton téléphone toutes les 30 secondes, services à l’hygiène douteuse et autres ambiances de travail de merde…Mais, sur ce dernier point, il nous semble dangereux de proposer le télétravail comme solution plutôt que d’exiger collectivement les conditions de travail décentes auxquelles nous avons droit. Le télétravail ne peut pas être une solution d’évitement à des conditions de travail dégradées et/ou de souffrance au travail.

S’il y a bien une chose dont nous sommes convaincus par ailleurs, c’est que l’intérêt des agents réside dans le collectif et la lutte contre l’individualisation, très en vogue ces dernières années. Il est ainsi utile de veiller à ce que le télétravail ne soit pas l’occasion d’isoler les agents et de limiter leurs possibilités de s’inscrire dans un collectif de travail protecteur des agents et des services. N’oublions pas que les collègues (même chiants) sont aussi des témoins de ce que nous vivons au travail et que ces témoins disparaissent dès lors que l’on s’en isole. Le collectif a aussi son importance pour travailler, réfléchir ensemble pour veiller à apporter des réponses adaptées à ceux que l’on reçoit. Or, dans l’organisation actuelle ces espaces de réflexion, concertation commune diminuent déjà fortement au profit de temps passé à l’administratif / à remplir des logiciels pour ficher les autres et justifier de notre charge de travail.

Pour certains agents, le télétravail peut aussi sembler faciliter leur organisation et l’équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle. Et pourtant les risques psycho sociaux de cette organisation seront grandissants. Il ne faut pas oublier que le cadre de travail est protecteur notamment car il permet la séparation indispensable entre sphère privée et sphère professionnelle. Peut-on envisager de traiter une situation de crise (rupture, protection de l’enfance…) avec la machine à laver qui tourne, le VPN qui bugue, puis de passer tranquillement à table pour les traditionnelles pates au jambon dans la joie et la bonne humeur ? Ajoutons que dans un métier essentiellement féminin, les pauses finiront en tâches ménagères et la boucle est bouclée ! Les agents doivent pouvoir conserver leur domicile comme un lieu protecteur et reposant : c’est également l’enjeu de défendre un vrai droit à la déconnexion. On vous laisse imaginer le cauchemar des télétravailleurs en burn out condamnés à être en arrêt maladie… sur leur lieu de télétravail !

Aussi, il faut penser à l’intérêt des agents qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas télétravailler (n’oublions pas que le télétravail est porteur d’inégalités : tout le monde n’a pas les moyens – conditions de vie et de logement - permettant de télétravailler). Pour cela, la mise en place du télétravail (à destination des seuls volontaires) doit apporter la garantie qu’il ne sera pas synonyme d’une dégradation des conditions de travail des autres (ex : report des sollicitations sur les collègues présents, augmentation du nombre de remplacements…).

Enfin, même s’il l’achat d’ordinateurs est en cours pour favoriser ce type de travail,  il est nécessaire de ne pas négliger les risques liés à la santé : névralgies, troubles musculo-squeletiques et autres maladies développées par de mauvaises postures liées à un matériel non adapté…. Parlez-en avec votre kiné…

 

L’intérêt des services ou des contradictions contradictoires ?

 

Au quotidien,  la direction nous rabâche la fameuse continuité du service public. Ce qu’on en a compris nous c’était que ça supposait un accueil inconditionnel du lundi matin au vendredi soir (enfin y’a quelques temps ils étaient chauds sur les samedis matins), la possibilité d’un accompagnement social continu et d’un accueil par des personnes physiquement physiques, le tout dans des lieux repérables par les parisien.nnes qui en ont besoin.  ET LA…. Se profile tout doucement l’idée que nous ne sommes plus indispensables du lundi au vendredi, que l’accueil pourrait se faire par téléphone ou mail « pour tous », les locaux deviendraient virtuels et les secrétaires un lointain souvenir. Quant aux TS, ils seraient chez eux avec un casque sur les oreilles, les pieds en éventails sur leur table basse. On s’est donc posé la question des intérêts pour certains et risques pour d’autres :

Tout d’abord, dans un contexte couteux et problématique de locaux disponibles à Paris, le télétravail pourrait promettre de belles économies d’espace ! Moins de personnels présents pour le service de nettoyage, de sécurité mais aussi à l’accueil physique.

Secundo, les responsables auront moins de sollicitations à gérer sur place puisque moins de personnels, moins de temps d’échanges avec des professionnels devenus fantômes. Ils n’auront plus qu’à filtrer l’activité informatique à partir de leurs 2 PC pour vérifier nos temps de connexion à la maison…

Le système VPN permet aujourd’hui, aux responsables de surveiller l’activité informatique des agents plus encore que le présentiel. A terme, il y a un risque réel de glissement de la mesure du temps de travail (présentiel) à la mesure du travail effectué (télétravail). Le télétravail pose en effet une question de confiance dès lors que les agents sont soupçonnables de se la couler douce et mis en concurrence. Pour justifier de son (télé)travail, il faudra peut-être empiéter sur les horaires autorisés et sur nos vies privées.

 

L’intérêt des usagers, aucun !

 

Enfin et surtout, pour le SUPAP FSU, tous les actes de travail social doivent répondre à l’intérêt supérieur de l’usager, pourtant plusieurs questions demeurent :

  • En travail social, qu’est-ce qu’apporte le télétravail aux usagers ?
  • Le contact humain peut-il être maintenu en « backoffice » ?
  • La gestion des urgences et demandes de personnes en situation de fragilité peuvent-elles être gérées à distance ?
  • La possibilité, pour les usagers de solliciter les services spontanément et d’être reçus par leur réfèrent au moment où ils en ont besoin, peut-elle être garantie?
  • Quel impact sur la continuité de l’accompagnement social par le référent si les personnes qui se présentent spontanément, sont amenées à être reçues par différents professionnels ?

Les échanges par mail sont également questionnants et génèrent une exclusion de fait de certaines personnes qui n’ont pas accès au numérique.

Soulignons enfin que la prévention n’est pas un acte à distance et que celle-ci prive les professionnels de nombreuses informations essentielles à l’évaluation (non verbal…).

 

 

Si le télétravail peut donner un certain sentiment de confort, il apparait qu’il permet surtout d’éloigner les professionnels d’un contexte de travail difficile dans les services (sur-sollicitations, remplacements de postes vacants, problèmes de locaux, de relations au travail avec les collègues et responsables…) sans y apporter de solution.

Le télétravail n’est pas la solution aux problèmes de fond qui poussent les agents à le solliciter. Il présente un risque d’éclatement des collectifs et solidarités au travail. Or, c’est bien en collectif, et non en individuel, que peuvent être portées et aboutir les revendications pour de meilleures conditions de travail et d’accueil du public !

 

Aujourd’hui, notre organisation syndicale s’inquiète de la réelle mise en danger du travail social : même si la pratique est proposée dans une période de crise, même si elle peut individuellement séduire, l’entériner reviendrait à accepter que la relation d’aide puisse ne plus être directe. Pourtant, nos métiers sont basés sur la rencontre et la relation de confiance qui s’y établit. Notre cœur de métier, celui que nous défendons, n’est pas télétravaillable. Et, c’est dans ces moments de crise que les personnes les plus fragilisées ont besoin d’un service public…présent.

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