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Publié par DASES-SUPAP-FSU

La nuit de la solidarité : Une nuit pour chiffrer tout ça

Paris est une Capitale Solidaire. Alors elle a décidé, la main sur le cœur et à grand coups de facebook, twitter, paris.fr et autres conférences de presse, de prendre le problème à bras-le-corps en organisant :

La nuit de la solidarité

Ouais. C’est beau. Ca en jette. Ca fait rêver à un monde meilleur où enfin les hommes arrêtent de massacrer la belle planète qu’on nous a donnée, où enfin les hommes se donnent la main (copiright Bernard Minet).

Alors, la nuit de la solidarité c’est quoi ? Une nuit où on propose pour la première fois des solutions dignes aux personnes à la rue ? Une nuit où on partage les richesses ? Une nuit où on descend faire des free hugs à ceux dont on fuit le regard (et la main tendue) toute la journée ?

Non !

C’est une nuit organisée par des énarques. Et qu’est ce qu’ils aiment les énarques ? Siroter des jus de statistiques, lire des rapports, des audits, faire des benchmarks et discuter de tout ça dans des beaux bureaux offrant une vue imprenable sur les toits de Paris (pas sur les rues, hein, trop de pauvres, trop de réel).

Du coup, la nuit de la solidarité ne sera pas l’occasion d’être solidaires mais... d’obtenir des chiffres. Bienvenue à l’ère du social géré par des matheux : Changer tout ça ? Non ! Chiffrer tout ça !

(D’ailleurs, en interne à la Ville de Paris la « Nuit de la solidarité » est appelée « Décompte de nuit du 15 février » - moins glam’- mais la mandature a abandonné depuis longtemps l’idée de compter sur les voix de ses agents et fait des économies en glam’comm).

 

La nuit de la solidarité donc, nous dit la glam’comm parisienne, c’est « une nuit pour mieux comprendre afin d’agir plus efficacement ». Parce que, nous dit-on encore, décompter les sans abris doit permettre de :

  • leur redonner une existence
  • « nous » (Paris) donner les moyens d’agir pour chacun d’entre eux.

QUOI ? Bon sang mais c’est bien sûr ! On connaissait pas le problème : il avait pas d’existence ! On n’avait pas les chiffres ! C’est pour ça qu’il y avait des gens dehors ! Heureusement grâce à Paris Capitale Solidaire et la nuit de la solidarité « Nous allons changer tout ça » ! Les moyens qui manquaient jusqu’ici vont apparaitre subitement dès qu’on aura le décompte ! C’est vraiment con que personne n’y ait pensé avant !

 

Là où vraiment, Paris doit être saluée c’est qu’elle affirme envisager de « donner les moyens » pour les sans abris alors même qu’elle n’est pas compétente en matière d’hébergement des SDF (sauf quand il s’agit de familles, mais là c’est une compétence non assumée, Paris ne prenant pas totalement ses responsabilités quitte à laisser des enfants sans solution et à la rue). Oui, oui : l’hébergement des personnes sans abris isolées (sans enfants) est une compétence de... l’Etat.

Tu devrais le savoir.

Parce qu’à la Ville de Paris, en matière d’hébergement des SDF, ils ont un peu la même politique que ton mec : ils font pas grand-chose, mais quant ils le font ils le crient sur tous les toits ! Quand ils font, il faut que tout le monde sache qu’ils sont bien gentils parce que « faire quelque chose » relève pas totalement de leur compétence !

Mais là on déconne plus ! La solidarité étant une priorité absolue pour Paris : ils ont sorti les gros moyens. LE PAQUET avec une campagne de glam’comm monstre autour de l’autoproclamée Paris Capitale Solidaire et un recrutement massif de ... bénévoles/volontaires. Wouhou !

Si, en tant que travailleurs sociaux éprouvant au quotidien sur le terrain les moyens que se donne la Capitale Solidaire pour prendre soin des parisiens en difficultés, on a des doutes sur les intentions de Paris, on a moins de doutes sur la mobilisation des parisiens solidaires. Ceux qui y croient encore (ceux qui ont pas vu comment Paris traite les humains – et ceux qui osent se mobiliser pour eux).

- Bonjour, Monsieur ! C’est la nuit de la solidarité !

- Vous venez me proposer un hébergement ?

- Non ! On vient vous compter ! Bonne nuit !

 

L’expérience ne manquera pas d’être riche pour ces parisiens qui ne connaissent pas le 115 (qui décroche au bout d’une heure pour pas proposer de solution) et ignorent les conditions d’accueil au sein des Permanences Sociales d’Accueil (services sociaux avec des moyens de seconde zone, chargés de recevoir les personnes sans domicile fixe). Heureusement, Paris Capitale Solidaire a fait un petit livret sympathique pour ces néophytes, plein de conseils utiles et pleins de bons sens :

« Si une personne manifeste de la réticence ou de l’incompréhension, n’insistez pas » (si un sans abri est en colère et entends dénoncer une politique de merde, l’écoutez pas).  

« Ne nous séparez pas de votre groupe, et circulez toujours au moins par deux » (les sans abris c’est dangereux).

 « Ne tutoyez pas les personnes rencontrées » (vous avez pas élevé les moutons ensemble).

 « Ne vous déplacez pas autrement qu’à pieds » (la nuit de la solidarité est interdite aux personnes en fauteuil roulant).

 

Bon, j’avoue. J’ai presque envie d’y être. De rencontrer ces parisiens qui ont envie de prendre part à (ce qui est vendu comme) un élan de solidarité. Ces parisiens qui y croient, s’indignent ( ?), sont prêts à s’engager, ont envie de prendre part au changement... J'aimerai avec eux y croire encore !

Alors, bonne chance, chers volontaires ! Nous ne manquerons pas de rappeler le fruit de votre labeur à nos chers élus une fois l’heure de la glam’comm et des beaux discours passés, une fois la nuit et le silence retombés sur les sans abris. Parce que les agents du médico-social parisien peuvent déjà vous le dire: dans la Capitale Solidaire, c'est tous les jours qu'il faut leur rappeler les notions de solidarité, bienveillance et bientraitance. La solidarité s'éloigne quand le micro s'éteint. Alors pour changer tout ça il ne reste plus que vous : indignez-vous et exigez de vos élus qu'ils fassent plus que de la glam'comm !

 

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