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Publié par DASES-SUPAP-FSU

La commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale (CPC) a rendu le 15 septembre dernier son rapport présentant le schéma directeur  global des formations sociales.

Ce rapport, commandé par le Gouvernement s’inscrit dans le cadre du Plan d’action en faveur du travail social et du développement social (dont on vous a parlé ici) et fait suite au rapport Bourguignon (ici !). Il préfigure donc les changements à venir dans l’architecture des diplômes en travail social.

Il s’agit en quelque sorte d’un rapport d’étape, dans la mesure où il ne fait que définir les grandes lignes du projet de réarchitecture des diplômes.

Stages ou « alternance intégrative »

Après avoir rapidement dressé le constat du ralentissement de l’attractivité du secteur social, le rapport évoque brièvement la possibilité de mettre en place l'apprentissage dans les formations sociales et réaffirme la nécessité de conserver leur place aux stages (alternance intégrative) dans l’appareil de formation. Oui mais pour la CPC, il faut moderniser cette alternance. Pourquoi ? Parce que l’offre de stages est déficitaire et que les étudiants peinent à en trouver, en lien avec l’obligation de gratifier les stages longs ! Dans l'objectif de répondre à ce problème de stage/budget gratification (et non pour améliorer la formation) il est envisagé de remplacer un stage long (gratifiable) par plusieurs stages courts (non gratifiables) : durant leur formation, les futurs travailleurs sociaux ne conserveraient qu’un stage long (en troisième année).

La modernisation est donc ici le processus par lequel on résout gratuitement un problème financier (budget gratification) et ce, au détriment de la professionnalisation des travailleurs sociaux (et des finances des étudiants/stagiaires). Voilà un bel exemple de ce qui est à reprocher aux projets en cours : le travail social est confronté à des problématiques liées à un manque de moyens (financiers, humains…) et les réponses apportées tendent à valider la recherche d’économie au détriment de la préservation du sens.

Le socle commun de compétences

C’est ici que le rapport touche le fond (du problème). Dans une brève introduction, les difficultés propres au travail social (que nous pourrons englober toutes dans l’idée de perte de sens) sont survolées. Ces difficultés sont connues, assez bien décrites et analysées dans le rapport Bourguignon. Mais le rapport de la CPC - pas plus que le rapport Bourguignon ou le Plan d’action en faveur du travail social - n’a pas pour objet de construire des réponses à ces difficultés. Et le problème est bien là. Il apparait, à la lecture du rapport de la CPC comme des rapports et plans précédents, que le gouvernement a choisi, non de combattre une perte de sens du travail social pourtant bien identifiée, mais de l’entériner. Et, dans ce processus, le rôle de la CPC est crucial : en réformant la formation des travailleurs sociaux, elle doit modifier l’identité du futur travailleur social, l’adapter au nouveau contexte et « attendus des politiques sociales » contre lesquels les «anciens » travailleurs sociaux que nous devenons, nous battons ("on ne gère pas l'autre, on l'accompagne").

C’est dans ce contexte que l’on regarde avec méfiance les propositions de la CPC et notamment celle d’un socle commun de formation pour les futurs travailleurs sociaux. Un socle commun de compétences autour desquels les futurs professionnels en formation pourraient se retrouver, échanger et « s’apprivoiser » de manière à plus tard, mieux travailler ensemble au service de l’usager n’est pas en soit une mauvaise idée. Néanmoins, il semble essentiel d’interroger le contenu et le volume de ce socle commun, de manière à garantir le maintien des différences et singularités qui font la complémentarité des métiers et la richesse du travail social.

Le rapport de la CPC dresse 3 registres de formation qui constitueront le corps commun :

  • Un registre éthique, déontologique et de positionnement professionnel (respect des personnes, valeurs républicaines…),
  • Un registre de compétences techniques de l’intervention sociale (évaluation, orientation, diagnostic…),
  • Un registre de compétences transversales et transférables d’un métier à un autre (langue, informatique…).

Le rapport ne détaille pas le contenu et les limites de ce corps commun, ni ne donne une idée de son volume horaire. Le rapport Bourguignon préconisait 30% du temps de formation en corps commun. Or, ne nous y trompons pas, 30% du temps de formation représentent 50% du temps de formation une fois déduits les stages et modules de spécialisation (potentiellement transversaux). Il semble que cela soit déjà beaucoup et de nature à laisser peu de place au développement des différentes identités professionnelles. Par ailleurs, la liste des contenus dressé par la CPC reste large et interroge sur le devenir des singularités et complémentarités quand tous les professionnels auront appris à établir une relation d'aide et accompagner de la même manière.

Ce qui est clairement recherché est une nouvelle identité commune de « travailleur social » réunissant les différents professionnels.  Encore une fois, cela ne semble pas, en soit, une mauvaise chose : le problème se situe au niveau de ce qu'on s'apprête à faire de ce nouveau travailleur social. Moins éthique, plus informatique, moins dans l’accompagnement et plus dans l’intervention, plus dans le partage et moins dans le secret ? C’est ce travailleur social que réclament les institutions/employeurs, et il semble, à lire les termes choisis - entre autres - par la CPC, que c’est en réponse à leurs souhaits que sont redessinées les formations et par là-même l'identité des futurs professionnels.

La réarchitecture.

Le plan d’action en faveur du travail social et du développement social était peu clair et l’on pouvait douter que les anciens diplômés bénéficient, au même titre que les futurs diplômés, du reclassement de leur Diplôme d’Etat au niveau II (licence). Si le rapport de la CPC semble plus rassurant sur ce point, la prudence reste de mise. En effet, la lecture du rapport pourrait faire croire (comme beaucoup l’ont cru ou le croient encore) que dans le cadre de la réforme en cours nous obtiendrions, en plus du « Bac + 3 » la « Catégorie A ». Or, le passage en catégorie A ne concernera que certains travailleurs sociaux de niveau III du secteur public en fonction des missions accomplies. Le référentiel de ces missions, qui ouvriront droit au passage en Catégorie A, doit être construit en concertation notamment avec les employeurs (dont l’intérêt sera de restreindre au maximum les coûteuses possibilités de reclassement en Catégorie A) : il est donc à craindre que peu des travailleurs sociaux qui se sont réjouit d’obtenir prochainement le fameux A en voient le jour ! N’oublions pas non plus, que ce travail de revalorisation ne sera pas fini avant les prochaines élections présidentielles : rien ne garantit que le prochain gouvernement mène ce projet à son terme !  

Les diplômes de niveau III reclassés en niveau II, il n'y aura plus, dans le secteur de l'intervention sociale de diplôme de niveau III... jusqu'à ce que de nouveaux diplômes de ce niveau soient créées (c'est le projet). La crainte, face à la création de ces nouveaux diplômes, est qu'ils permettent l'arrivée dans le secteur social d'une nouvelle catégorie  "d'exécutants sociaux" plus attractifs pour les employeurs car moins coûteux et sans doute plus "malléables". Ce risque (sur son volet économique) est pris en considération par la CPC qui, si elle ne ferme pas la porte à la création de nouveaux diplômes de niveau III, ne la prévoit pas dans l'immédiat (hors création d'un diplôme d'encadrement de proximité dans la branche de l'aide/soins et services à domicile).
 

En définitive, le rapport de la CPC n'apporte que peu de nouveautés et pas de surprise au regard de ce à quoi les précédentes productions nous avaient préparé. Il s'inscrit dans la lignée du plan en faveur du travail social, qui, sous couvert de revaloriser les professions s'apprête à les transformer profondément et durablement.
 

 

Le travail social traverse actuellement une crise que peu de professionnels ignorent. Indépendamment du diplôme, du secteur, du public et missions, et au-delà des questions de valorisation (salaire et Catégorie A), les professionnels subissent tous ou presque la bureaucratisation, le galvaudage du secret professionnel, la perte de sens (…) qui les ont conduit à se retrouver dans le slogan porté par Avenir Educs « on ne gère pas l’autre, on l’accompagne ». Il est donc important de rappeler que ces revendications, relatives au sens même du travail social et à la défense de l’accompagnement, ne sont pas locales : elles dépassent la question des différentes organisations/services, elles témoignent d’une mutation du travail social qui s’apprête à être validée au niveau national, inscrite dans les textes qui guident la réforme de nos diplômes et professions. Il est aujourd'hui indispensable de dépasser les trompeurs effets d’annonce (revalorisation indiciaire, Catégorie A…), de veiller au contenu des différents textes (plans, rapports, décrets…) et de poursuivre au niveau national la mobilisation menée par les EGATS (Etats Généraux Alternatifs du Travail Social) pour conserver du sens au Travail Social et ne pas laisser celui-ci être redéfini par les gestionnaires de l'action sociale.

 

Rapport de la CPC : vers des diplômes "revalorisés" au prix d'un Travail Social déprécié

Rapport de la CPC du 15/09/2016

Rapport de la CPC : vers des diplômes "revalorisés" au prix d'un Travail Social déprécié

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