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Publié par DASES-SUPAP-FSU

Vis ma vie d'Assistante Sociale d'accueil

 

Super héros du social, par pitié, partagez vos super pouvoirs

J’ai testé le métier d’AS d’accueil…

Eh oui, figurez-vous que dans mon service, une chouette collègue a démissionné.  (Elle ne se sentait pas en phase avec les évolutions du social, comme c’est étrange). Et d’autres de mes acolytes ont eu le culot de partir en vacances en août ! Alors les 50% restant, nous avons été sollicités pour aller prêter main forte à l’accueil qui lançait des SOS. Une AS au lieu de 4, dans un service qui ne désemplit pas, ça peut pas le faire. La solidarité avec les collègues et avec le public, je suis pour, (sauf quand c’est pour pallier aux postes vacants qui n’en finissent pas de ne pas être remplacés) alors je m’y suis collée.

Résultat des courses : 1h30 d’entretien pour un seul usager.

Quand je pense  que mes copines AS d’accueil dans d’autres arrondissements m’ont dit que les CSE nouvelle génération estiment la durée d’un entretien d’accueil à 20 mn (mais attention ; accueil nouvelle génération, oh yeah), alors là je m’interroge :

 

Mais comment font ils ces supermens et womens du travail social ?

Et je passe du questionnement aux hypothèses (afin de dépasser la plainte, symptomatique du travailleur social, pour aller vers la solution, emblématique tique tique du cadre dynamique mique mique) :

 

Mais Qu’est ce qu’ils ont qu’on n’a pas?

  • Ils sont médiums et ils connaissent les problèmes des gens avant même qu’ils les aient exposés ?

  • Ils parlent en accéléré ?

  • Ils sont bilingues en jargon CAF ?

  • Ils ont une liste de sentences qui clouent direct le bec aux usagers (« pleure tu pisseras moins », « et qu’est ce que vous voulez que j’y fasse ? », « la France est un pays d’assistés », « aide toi, le ciel t’aidera »…)

  • Ils sont tellement calés en droit sociaux qu’ils ne regardent jamais Légifrance ?

  • Ils n’ont jamais de problème d’imprimante, de connexion internet, de mot de passe et d’ISIS, PIAF et CAFPRO ?

  • Ils sont adeptes du speed-dating dans leur vie privée ?

  • Ils ont dix bras comme Shiva, trois cerveaux comme les frères Bogdanov et peuvent simultanément prendre des notes, faire des photocopies, téléphoner au bailleur, poser des questions sur la situation, donner des informations à l’usager tout en entendant sa demande implicite et calculer la moyenne journalière ?

  • Ils ont la ligne directe du responsable du Samu social ?

  • Ils flairent la violence conjugale ?

  • Ils ont un détecteur d’enfant battu et d’adulte vulnérable ?

  • Ils connaissent la formule magique pour obtenir une VAD d’un CMP sur un coup de fil de courtoisie ?

Au concours de CSE ils ont reçu en cadeau  «  le FSL pour les nuls », « la méthode Assimil de l’accord collectif », « obtenir un logement en dix leçons » mais ils les gardent pour eux parce qu’ils se sont fait chier à préparer le concours de CSE, eux, pendant que nous on glandait à la terrasse des cafés fiers de notre absence d’ambition ?

 

Car moi, je le confesse, dans toute mon incompétence, quand j’ai reçu la dame, je l’ai d’abord écoutée m’expliquer sa situation et sa demande (20 mn).

J’ai recherché des infos sur les raisons de sa dette CAF (et ça c’est du sport de haute compétition) et je l’ai aidé à rédiger une lettre de demande de remise gracieuse (20 mn).

Ensuite, j’ai étudié le droit à la retraite de sa mère (qui est à sa charge) et j’en ai conclu qu’elle avait droit au RSA et pas à l’ASPA : 20 mn.

Après la dame elle m’a remerciée et elle s’est mise à pleurer et à m’expliquer qu’elle n’en pouvait plus de vivre avec son fils adulte handicapé autiste et trisomique (15 mn).

Alors j’ai enfoncé le clou : j’ai parlé avec elle des soutiens dont elle pouvait bénéficier, associatif, médical et psychologique et j’ai tenté de lui remonter le moral en lui disant que OK elle avait un fils lourdement handicapé mais elle avait aussi 3 enfants qui faisaient des études supérieures, et qu’elle pouvait être fière (15 mn).

Elle m’a répondu qu’elle avait « tout plié en deux » pour la réussite de ses enfants, et moi ce genre de propos je m’en délecte depuis que je bosse. Et elle est repartie la tête haute, ce qui demeure un de mes objectifs d’entretien.

 

Mais le constat est sans appel : je serai nulle à chier comme AS d’accueil.

               

Véronique

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M
Bonjour,<br /> J'ai beaucoup aimé ce post! Je suis tombée dessus par hasard en faisant des recherches sur le CASVP. J'ignorais qu'un tel blog existait et je trouve ça super!<br /> Je suis un peu ignorante car encore ingénue... mais pas tant que ça...<br /> Je suis élève AS en 2e année. J'aimerais énormément faire un stage auprès d'un(e) professionnel(le) qui a le même positionnement que Véronique. Je trouve son témoignage très informatif et très humain. Mais même trouver un stage est une galère...<br /> Si qqun tombe sur ma bouteille à la mer et veut discuter ;-) mp.gohin@gmail.com<br /> Merci de partager vos ressentis sur ce blog, c'est top, même pour des étudiants qui ont encore du chemin à faire...
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H
Bonjour,<br /> Merci de nous rassurer : il existe encore des assistantes sociales qui, malgré un poste de plus en plus difficile dû aux nouvelles exigences de conditions de travail, gardent un état d'esprit avec lequel, humanité, empathie, écoute font partie de leur quotidien.<br /> J'ai aussi beaucoup aimé le départ de la dame "la tête haute"<br /> Encore merci de croire, envers et contre tout et tous en l'homme.<br /> Huguette
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L
Bravo Véronique !<br /> <br /> D'avoir su analyser les conditions de travail des AS d'accueil, les injonctions paradoxales, le manque de moyens, le temps compté, etc... lors de ton passage solidaire à l'accueil.<br /> C'est bien "ça", notre quotidien... au point d'en oublier les absurdités.... de s'accommoder du manque de reconnaissance institutionnelle (autant dire d'une certaine forme de mépris pour notre fonction), de se résigner à garder toute notre énergie pour accueillir, encore et encore ! <br /> De rester empathique toujours et par tous les temps ! <br /> Ton mail me donne envie de repartir dans la "lutte" pour défendre ce chouette métier !<br /> Bises d'une collègue AS d'accueil en SSP
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A
Véronique,<br /> Ton article me rassure sur notre profession, et je lis (avec plaisir) que tu as passé du temps pour écouter, soutenir et accompagner… et sans ça, sans prendre le temps, ben moi j'ai le sentiment de ne pas faire mon travail correctement, avec éthique et humanité. il me semble que c'est "l'essence" même de notre boulot. <br /> Il reste à lutter pour continuer à pouvoir faire ce travail dans ces conditions, en continuant à donner du sens… Merci à toi <br /> Bises d'une collègue en psychiatrie
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F
Oulala ! Laisseriez-vous sous-entendre que les CSE nouvelle génération ne sont pas humainement proches de la demande des gens, pas suffisamment à l'écoute, trop ancrés dans les procédures de l'Administration Française, pas suffisamment... Ah mais au fait, c'est vrai ! C'est exactement cela !!! Vite, sortons du consensus mou qui ne protège que les intérêts de ceux qui l'inventent... Comment ça trop tard ? vous voulez dire qu'on est foutus ? Révolte, dansons la carmagnole et vive le son du canon !
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S
Merci Merci et Merci, avec la journée de merde que je viens de passer et l'idée (passagère j'en conviens) de baisser les bras, ton article me fais un bien fou et me rappelle pourquoi j'ai choisi ce métier. <br /> Bises d'une collègue en centre hospitalier
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