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Publié par DASES-SUPAP-FSU

Sexe, Travail Social et Temps partiel

Et si, finalement, dans le travail social, tout n’était qu’une question de sexe ?

Si le manque de reconnaissance de nos professions et diplômes était lié à leur forte féminisation ? A titre personnel, j’en suis convaincue. Les professions du travail social restent marquées par l’héritage des dames patronnesses : un héritage particulier, tout à la fois religieux et féminin, lié à la notion de vocation et de renoncement.

Les temps ont changé, certes. Et si on trouve encore dans les écoles de travail social certains profils d’engagement religieux/philanthropiques, ils ne sont pas plus nombreux que les profils de militants gauchistes/féministes/altermondialistes/végétariens et autre sado-masochistes (les lieux de rencontre sado-masochistes sont remplis de gens qui aiment être payés au lance-pierre pour écouter les problèmes des autres toutes la journée, je vous laisse imaginer vos collègues/chefs avec tenues et accessoires….).

A un moment, les décideurs (des mâles) ont dû professionnaliser ce qui avait été jusque-là la simple occupation de religieuses et autres bourgeoises oisives d’humeur philanthropique. J’imagine bien le type, un peu classe, moustachu, armé d’une canne et d’un haut de forme (le mec qui est sur la boite du Monopoly en somme), nous l’appellerons Monsieur Trissotin, et voilà ce qu’il se passe dans sa tête :

Il a fait des hautes études, a des responsabilités, bref, il a la science infusée. Il sait que les femmes aiment le rose, les talons aiguilles, et les tâches ménagères, que rien ne les épanouit autant que de cirer la baraque toute la journée en attendant le retour du mâle à la maison. Il sait que le cerveau féminin est différent, plus petit, et qu’il est majoritairement constitué de cellules roses bonbon à l’origine de l’instinct maternel. C’est cet instinct qui, selon lui, prédestine les femmes à s’occuper des autres, en fait naturellement de bonnes mères-épouses-femmes de ménages-cuisinières. C’est cet instinct qui en fera de bonnes infirmières visiteuses/nourrices/garde-malades : ce qui doit, par l’évolution de la société devenir des professions à part entière, relève chez les femmes d’un instinct, d’un besoin naturel. Alors, tant qu’à ce qu’elles fassent ce pour quoi elles sont faites (et qu'elles font depuis des lustres bénévolement), autant ne pas trop les payer ! On leur bidouillera un petit diplôme, simple mais pas trop : puisqu’on leur mettra dans les mains de l’argent public, autant leur apprendre à refreiner leurs instincts maternels et dépensiers !

Valoriser, gratifier ces professions serait une insulte faite à ces femmes qui ne demandent qu’à s’engager, à faire passer le besoin des autres avant les leurs ! Et puis il n’est  pas question que le salaire de Madame soit supérieur à celui de Monsieur, qui doit rester le chef de famille. Il ne s’agit pas non plus d’offrir aux femmes un salaire qui leur permette, horreur, de s’émanciper !

 

Le voilà, notre héritage ! Et si les descendants de Monsieur Trissotin se veulent des idées plus progressistes, les choses n’ont pas beaucoup changé ! Ce qu’on appelle aujourd’hui les professions du care demeurent majoritairement féminines et souffrent d’un manque de reconnaissance.

De nos jours, Monsieur Trissotin petit-fils, énarque en costume, fraichement rasé et pendu à son smartphone lors des réunions qu’il préside, « est pour » l’égalité des sexes. Il n’admet qu’un problème avec les femmes : la maternité, et voilà ce qu’il se passe dans sa tête :

Selon lui, le vrai problème avec les femmes, c’est qu’elles font des enfants. La répartition des tâches familiales et ménagères restant largement défavorable aux femmes, celles-ci se retrouvent souvent plus en difficulté que les hommes pour concilier travail et vie privée. Elles culpabilisent, se posent tout un tas de questions, et elles n’ont pas tort ! La plupart des études produites par d’éminents psychologues barbus/moustachus vous le diront : c’est toujours la faute de la mère !

Heureusement pour Monsieur Trissotin petit-fils il existe une solution à proposer à ces mères moins productives sur leur lieu de travail car tiraillées entre vie familiale et professionnelle : le temps partiel de droit. Il s’agit officiellement d’une possibilité offerte aux hommes et aux femmes de continuer à travailler tout en prenant soin de leur famille (politique nataliste). Officieusement, il s’agit d’une possibilité pour les hommes victimes d’une conjointe qui travaille, de conserver un foyer bien propre et rangé, en diminuant les heures de travail rémunéré de leur femme. Ces dernières cèdent d'autant plus facilement à l’appel d’un temps partiel « consenti » (par opposition aux temps partiels subis) que leur emploi est peu rémunérateur et/ou gratifiant.

Monsieur Trissotin ne peut s'opposer aux temps partiels de droit, mais rien ne l'oblige à prendre des mesures pour réduire la charge de travail des salariés quand ceux-ci passent à temps partiel. Peut-être considère-t-il que les jours supplémentaires de "repos" (ménage, lessives, accompagnement d'enfants à des activités diverses, rendez-vous multiples avec médecins, réparateurs...) profitent suffisament aux femmes pour leur permettre de faire 100% de leur charge de travail en 80% de temps (et de salaire) ?  Quoiqu'il en soit ces temps partiels (très majoritairement féminins et accordés de droit pour raisons familiales) sont plutôt une aubaine pour Monsieur Trissotin petit-fils toujours à la recherche d'économies...

Monsieur Trissotin petit-fils n’est sans doute pas le machiste qu’était son grand-père. C’est avant tout un capitaliste : il cherche le profit, l’économie, et une certaine notion d’efficacité. A ce titre, s’il s’associe aux beaux discours sur la parité, il ne prendra aucune initiative susceptible de le priver des économies qu’il fait grâce aux conditions salariales construites par pépé Trissotin ! Ajoutez à cela le fait que les travailleurs sociaux soient nombreux à être salariés de collectivités en quêtes d’économies, et que leurs grèves ne paralysent pas le pays…

 

Ce qui est dérangeant dans cette histoire, c’est qu’au final, la déception ne viendra pas de ces Messieurs Trissotins pères, fils et petits-fils, mais de ces femmes qui les ont rejoint à des postes à responsabilités politiques. Celles-là même qui triment à rester femmes tout en montrant à leur électorat et confrères qu’elles ont « l’étoffe d’un homme », celles qui se sentent flattées de lire qu’elles ont « une main de fer dans un gant de velours » (expression journalistique consacrée pour désigner une personne capable à la fois de prendre des décisions et de porter des jupes !). Aucune de ces femmes n’est arrivé là sans faire l’expérience du sexisme. Alors, lorsqu’on les entends défendre la parité (généralement aux alentours du 8 mars) on a envie de croire qu’elles vont agir, user de leur influence pour faire avancer la société… des illusions ==> désillusions.

Pourtant j’y crois encore, j’ai entendu il y a peu le fils d’une assistante sociale déclarer « le changement, c’est maintenant ! », une femme maire de Paris nous dire qu’en matière de parité « tout compromis avec des inégalités qui demeurent est une forme de prévarication ». Et je suis prête à brûler mon soutien-gorge pour défendre les métiers du care en général, les professions du travail social en particulier !

Alors, ASS, CESF, ES, EJE au féminin et au masculin : à vos sous-vêtements !

 

Séverine, Chienne de garde du Supap

Sexe, Travail Social et Temps partiel

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F
Bonjour,<br /> Merci pour votre texte, qui allie humour de la forme et pertinence du fond !<br /> Je me souviens avoir lu il y a une vingtaine d'année un article dans une revue de sociologie qui démontrait le fait que les domaines professionnels dans lesquels les femmes réussissaient le mieux étaient ceux qui est les plus déconsidérés socialement. En gros, les hommes laissent aux femmes le boulot qu'ils ne veulent pas faire, ne les estimant pas dignes de leur splendeur. C'est vrai à la maison, tout comme au boulot. Il y a ceux qui considèrent le travail social comme un poids pour la société (les pauvres méritent bien de l'être, ils n'ont qu'à se bouger) et ceux qui "admirent" les travailleurs sociaux, mais disent aussi qu'ils ne pourraient-voudraient pas faire ce boulot. Ce dernier discours pouvant être tenu aussi bien par les femmes que par les hommes.<br /> Dans le cadre du travail social, on remarque aussi que plus on monte dans la hiérarchie, plus les hommes sont présents, même si les femmes sont peut-être plus nombreuses dans les postes dirigeants que dans d'autres secteurs d'activité (mais il faudrait vérifier). Dans ces fonctions, le temps partiel est rarissime. <br /> Enfin, il ne faut pas s'étonner du fait que les femmes qui arrivent au sommet du pouvoir politique apparaissent relativement tièdes en ce qui concerne les inégalités femmes-hommes au travail ou en politique, puisque c'est justement cette tiédeur qui leur permet d'accéder à ces places. Pour réussir en politique, une femme doit devenir un homme, parce que l'habitus politique est défini par des hommes pour des hommes. C'est le principe même de la domination : est dominé celui ou celle qui, pour échappé à certaine dimension de la domination, se conforme aux représentations et pratiques des dominants. Dans notre système politique, la subversion est toujours vécue comme une trahison, et sanctionnée comme telle, et jamais comme une occasion de se remettre en question, donc peu de chance que ces femmes risquent leur place en voulant modifier de l'intérieur un système qui les acceptent sous condition et qui donc les tient à l'œil…<br /> Au fait, je suis un homme, je dirige une association du secteur social et médico-social, dans laquelle travaillent plus d'hommes que de femmes, toutes et tous à temps plein. Dans notre réseau national, il y a maintenant plus de directrices que de directeurs, alors que c'était nettement l'inverse quand j'ai pris mon poste il y a 15 ans.<br /> Je n'ai donc pas de soutif à brûler, mais je peux vous passer les allumettes.
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S
Bravo d'avoir osé le lien entre manque de reconnaissance et féminité de la plupart des assistants sociaux (ex-infirmières visiteuses). Autrement dit entre sexe et travail social (Quel intitulé !). On ne nous a pas donné plus que ce qu'on a réclamé, et on ne s'est pas permises de réclamer pour nous-mêmes. Mais trop (peu), c'est trop (peu) ! Rendez-vous en octobre (présentation du plan d'action gouvernemental suite aux "Etats généraux du travail social")...
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E
Et les EJE? <br /> On n'est pas des travailleurs sociaux peut-être? <br /> Moi aussi je brule mon soutif!!!
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