Première Ministre : Candidature Spontanée

TBT : Réédition spéciale Dissolution

Monsieur le Président,

J’ai pris connaissance de vos difficultés à trouver un Premier Ministre, c’est pourquoi je me permets de vous envoyer ma candidature spontanée à ce poste. Travailleuse sociale depuis une douzaine d’années, j’ai acquis une solide expérience dans des domaines divers et variés qui saura, j’en suis sûre, être un atout pour la « Renaissance » tant attendue de votre gouvernement.

       En qualité d’assistante sociale, je suis habituée à donner des conseils budgétaires à des personnes vivant sous le seuil de pauvreté : l’économie et les finances n’ont donc aucun secret pour moi. Au contact quotidien de personnes qui n’ont pas d’autre choix que de manger, s’habiller et se chauffer avec les 5€/jour qu’il leur reste une fois le loyer payé, je déborde d’idées qu’il me tarde de mettre en œuvre afin de trouver des solutions écologiques innovantes (la bougie) et d’assainir les comptes tout en  moralisant la vie publique (1 kebab/jour/député).

En charge depuis plusieurs années d’annoncer au grand public l’échec des politiques de logement, d’hébergement, d’emploi et d’accueil des enfants, personnes âgées et handicapées, je suis tout à fait prête et disposée à prendre sur mon nom la plus impopulaire de vos réformes (abrogation de la réforme des retraites) et endosser les responsabilités que vous ne souhaiterez pas prendre vous-même (augmentation des salaires dans la Fonction Publique).

Au sein des services sociaux, je fréquente depuis plusieurs années des collègues habillées en Desigual et des usagers en Diour, Chamel ou Vestiboutique by La Croix Rouge. Je suis ainsi immunisée contre l’exposition aux tenues dépareillées et couleurs criardes, soit une des rares personnes susceptibles de pouvoir aller au bout des négociations avec les Gilets Jaunes.

La pratique du travail social a fait de moi une personne solidement ancrée dans le réel qui ne craint ni le terrain, ni la misère, ni les poignées de moignons.

L'accompagnement mené auprès de personnes d’origines diverses m’a permis de développer des capacités linguistiques hors normes : je sais aujourd’hui identifier l’expression de la colère et du profond désespoir dans près d’une trentaine de langues, dialectes et patois dont les insultes n’ont plus aucun secret pour moi ! Par ailleurs, pour œuvrer au sein de la Direction des Solidarités de la Ville de Paris, je pense être désormais armée diplomatiquement pour communiquer avec des personnes qui, à votre image, sont persuadées que tout chez eux est super et nient farouchement l’existence des preuves les plus criantes du contraire.

Active syndicalement au sein du SUPAP FSU j’ai pu, au contact des élus, directeurs et autres représentants syndicaux, apprendre à manier à la perfection la mauvaise foi, la langue de bois et l’exagération. Sur leur modèle, je suis désormais capable de contre argumenter tout et n’importe quoi (même quand je suis d’accord) et défendre des projets auxquels je ne crois absolument pas, qualités, vous en conviendrez, essentielles dans un gouvernement.

Mère de deux enfants, j’ai - en les maintenant en vie et pas placés jusqu’ici - fait preuve de toutes les capacités nécessaires pour prendre les doigts dans le nez le portefeuille jeunesse, enfance, famille, femmes, éducation nationale, Intérieur et sports. De même, mes visites régulières auprès de mes grands-parents dans le fin fond du Cantal me prédisposent tout naturellement à entrer en charge des questions du grand âge et de la ruralité.

Preuve vivante que dans la vie rien n’est ni tout blanc ni tout noir, je serai ravie de faire de ma peau basanée et de mon indomptable "crinière" frisée la caution jeunesse, quartiers et diversité de votre équipe. La nomination d’une première ministre « racisée » serait par ailleurs une carte imparable contre toute accusation de racisme, surpassant de loin les cartes « amie noire », « ophtalmo juif » et « dentiste musulman ».

En tant que femme, travailleuse sociale, fonctionnaire, représentante syndicale et mère, j'ai "instinctivement" des prétentions salariales nulles qui feront de mon embauche un acte hautement rentable et compatible avec votre politique de restriction des dépenses publiques.

       J’espère, Monsieur, que cette lettre saura retenir toute votre attention et vous aura convaincu de mon sérieux. Mes compétences en matière d’économie, affaires étrangères, politiques sociales, familiales etc. démontrées, je reste dans l’attente de ma nomination au poste de Première Ministre, la rédaction de cette lettre m’ayant –tout comme vous c’est certain - convaincue que je suis à ce jour la mieux placée pour diriger le Pays.

Dans l’attente de la fin de la trêve olympique, de la fin de la trêve paralympique, de la fin de la trêve reprise de la Ligue 1 Uber Eats et de la fin de la trêve de l’élection de Miss France, veuillez agréer, Monsieur le Président, mes sincères salutations.

Bisous Y

D.S

(Déléguée Syndicale)