Plaidoyer pour le Travail Social, Intervention du 23 novembre en direction des représentants de l'administration parisienne
Depuis 2014, le SUPAP FSU porte les revendications des travailleurs sociaux et défend les intérêts des parisiens en difficulté au sein de la DASES et du CASVP.
A chaque nouvelle annonce, à chaque nouvelle instance, nous désespérons un peu plus d’être entendus. Ce n’est pas faute d’avoir tout essayé : de la politesse à la provocation, du sérieux à l’humour en passant par les grands argumentaires et les petits dessins.
Alors aujourd’hui, il nous semble nécessaire en introduction à ce plaidoyer pour le travail social parisien de vous inviter à nous écouter à la manière dont nous, travailleurs sociaux, avons été formés à écouter l’autre :
C’est-à-dire écouter d’abord pour offrir de la considération, écouter ensuite pour comprendre et évaluer. Et non pas nous écouter pour nous répondre et, encore moins, nous écouter pour nous faire une réponse politique : un « oui mais » qui démontrerait que vous savez plus de choses que vous n’en entendez.
Madame la Maire,
Les parisiens ont voté. Ils ont élu des maires SOCIAL-istes, ils ont majoritairement voté pour un projet en faveur des parisiens les plus démunis lors du dernier budget participatif. Et nous ne doutons pas qu’ils soient plus émus de voir des marmots dans la rue que d'y trouver des mégots.
Nous connaissons vos engagements. Et nous, citoyens, travailleurs sociaux, agents de la Ville, militants, nous nous sommes réjouis de vous voir faire de la lutte contre la grande exclusion la Grande cause de votre mandature. Nous avons salué la plupart de vos initiatives, jusqu’à l’amer constat que les moyens ne suivaient pas.
Depuis plusieurs mois, les tâches, missions et publics des différents services sociaux se multiplient sans que les postes nécessaires pour les satisfaire ne soient créés. Le résultat, sur le terrain, est hautement contre productif. La gestion de l’urgence a pris le pas sur l’accompagnement et la prévention a été réduite à peau de chagrin. Les travailleurs sociaux sont épuisés. Nous aimerions, pour nous croire, que vous soyez à nos côtés pour les entendre, en AG, expliquer qu’il est totalement banal de prendre je cite « un demi lexo » pour pouvoir affronter le début d’une permanence quand la salle d’attente déborde de migrants à qui on n'a rien à proposer (₁) ou quand il faut fermer la grille devant une enfant à défaut de pouvoir l’accueillir et sans savoir où seule, elle dormira ce soir (₂).
Madame la Maire,
Le travail social, pour porter votre Grande Cause, vos engagements, a besoin de moyens. Et comprenons nous bien, lorsque nous demandons des moyens nous ne demandons pas le développement d’un énième outil informatique/statistique, ni la création d’un 1.500ème dispositif, formulaire ou procédure et encore moins un 10.000ème redéploiement.
Nous demandons du temps pour l’accueil digne des personnes en difficulté, pour pouvoir accompagner correctement ceux qui en ont le plus besoin, pour offrir à minima de la considération et de l’attention aux demandes de vos administrés. Nous sommes déjà démunis de solutions sur les problématiques les plus graves comme la prise en charge des mineurs ou l’hébergement. Nous ne pouvons pas continuer à être, en plus, démunis de temps pour annoncer aux gens ces mauvaises nouvelles dignement, pour les accompagner. Nous ne pouvons pas continuer à fermer les grilles devant des enfants, ou laisser les mineurs pris en charge par l’ASE n’avoir de référents que sur le papier (₃).
Nous, travailleurs sociaux parisiens, ne pouvons pas continuer à porter, pour la collectivité, la culpabilité d’un social bâclé qui n’a pas les moyens d’accompagner les précaires pour les empêcher de sombrer dans l’exclusion, qui n’a pas la disponibilité pour travailler la réinsertion, l’inclusion sociale, le maintien du lien social et finalement, le sentiment, essentiel, d’appartenance à la collectivité. Paris a chèrement payé, récemment, la récupération par les extrêmes de ces personnes fragiles qui ne se sentant ni considérées, ni inclues, ont retourné leur haine contre nos concitoyens.
Aujourd’hui, les travailleurs sociaux peuvent vous le dire : les services sociaux parisiens sont construits comme des vitrines où la principale activité est de donner l’illusion d’une accessibilité et d’une disponibilité qui est de fait quasi inexistante. On nous ordonne de recevoir rapidement, toujours plus, de faire du chiffre. Mais ces chiffres, s’ils vous satisfont, sont vides de sens, vides de travail social. Quel accompagnement pensez-vous que les travailleurs sociaux offrent à un jeune, à une famille ou un adulte isolé quand leur file active compte 99 autres personnes et que plus d’un tiers de leur temps de travail est accaparé par des tâches administratives ou de saisies logicielles (₄) ?
Madame la Maire,
Au nom des travailleurs sociaux, au nom des enfants présents sur le territoire parisien, au nom de nos concitoyens en situation de précarité, nous vous demandons des moyens. Le travail social a besoin que vous renforciez ses effectifs : dans les différentes directions de la ville, au CASVP ou même dans les associations subventionnées par vos soins qui se déchirent sur le marché de la misère.
Nous sommes venus, Madame la Maire, vous demander d’acter vos engagements en faveur des plus fragiles de vos administrés par la création de postes de travailleurs sociaux et d’agents administratifs permettant de décharger les sociaux des tâches administratives qui les éloignent de leur cœur de métier : l’accompagnement.
Nous vous le demandons, non seulement au nom des agents, mais aussi et surtout au nom du public parisien :
Donnez-nous des moyens humains, les moyens d’être humains !
Intervention lue en présence des représentants de l'administration et de l'exécutif parisien, lors du Comité Technique central de la Ville de Paris le 23 novembre 2016.
Ce Comité Technique présentait notamment le projet de budget primitif emplois pour 2017 (créations, redéploiement, suppressions de postes) qui prévoit la création d'1 poste d'attaché (!!!) au Bureau de l'Aide Sociale à l'Enfance pour "traiter les situations des mineurs isolés étrangers".
(₁) Permanences Sociales d'Accueil (PSA / CASVP)
(₂) Mineurs Isolés Etrangers ne pouvant être accueillis par le DEMIE (Croix Rouge)
(₃) Aide Sociale à l'Enfance (DASES).
(₄) Situation partagée par l'ensemble des services dont les Services Sociaux Polyvalents (CASVP)